« Coolest Monkey », Réfléchissons un peu Avant de nous Indigner

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Des gens ont dit que «  le Noir est le singe le plus cool de la terre » et nous nous indignons. Moi, je m’inquiétais que le niveau d’insulte que les Blancs déversaient sur nous jadis – et qui a amené les Senghor et Césaire à revendiquer notre négritude, à l’affirmer au lieu de baisser la tête, queue entre les pattes – je m’inquiétais dis-je que ce niveau d’insulte ait brutalement baissé après les « indépendances » pour laisser place au régime d’hypocrisie du néocolonialisme, avec son credo éculé tout-le-monde-il-est-beau, tout-le-monde-il-est-égaux. Car, je trouvais que l’hypocrisie n’a fait que renforcer  la léthargie et l’inconscience du Noir, son irresponsabilité. Plus les Blancs nous insultent mieux ça vaut pour nous ; car ça nous éloigne du confort illusoire de l’égalité où, à condition que les autres agissent, nous nous contentons de recueillir les fruits de l’égalité des hommes, contre nos ressources que nous bradons, si elles ne sont pas d’autorité prises par le Blanc sans autre forme de procès. Le fait qui les Blancs nous insultent prouvent au moins qu’ils ne nous sont pas indifférents, et ça nous fait bouger, ça nous réveille de notre léthargie existentielle. Ce n’est pas les Chinois qui nous insulteraient ainsi, bien qu’ils ne participent pas moins au pillage de nos ressources.

Et sur le fond de cette inscription destinée à vendre une ligne de  vêtement, à savoir, « le Noir est le singe le plus cool de la terre », à tout bien penser, devrions-nous trouver à y redire, fuissions-nous un chouïa sincères avec nous-mêmes ? Qu’est-ce qu’on appelle singe ? Celui qui « imite » au sens de singer. N’« imitons »-nous pas les Blancs  ?Officiellement, nous parlons leur langue, nous écrivons avec leur alphabet. Nous avons abandonné nos dieux pour ceux de leurs ancêtres. Certains d’entre nous utilisent leur  monnaie. Et avec tout ça, nous nous indignons d’être comparés au singe  ?

Pourquoi les Blancs ont-ils cessé d’insulter les Asiatiques de singe ?  Car naguère, cette insulte s’adressait aussi aux Japonais lorsque ceux-ci  s’étaient mis à les copier. Mais la différence entre les Asiatiques et nous vis-à-vis des Blancs traduit toute la différence entre le mot singer et le mot imiter. Les Blancs se sont rendu compte que les Asiatiques  ne les singeaient pas mais qu’ils les imitaient au mieux, ils les suivaient à la trace comme leur ombre ; notre ombre ne nous singe pas, elle nous imite, elle fait écho à nos gestes et paroles, ce qui est tout à fait différent.

Contrairement aux Africains, les Asiatiques ne sont pas des gens qui  ne fabriquent rien et qui se contentent de consommer passivement ce que les autres ont fabriqué ; au contraire, ils menacent et inquiètent le Blanc de par  la fureur de leur activité de fabricants. Ils sont à la pointe de la fabrication de tout ce qui est moderne, dès lors que le Blanc l’a mis au point. Ils fabriquent eux-mêmes une grande partie de ce qu’ils consomment. Les  Asiatiques parlent leur langue, leur chefs et leurs rois ne prennent pas épouses, comme Ouattara ou d’autres ludions de son  acabit, chez les Blancs, mais en leur propre sein ; et pour finir, ils pratiquent la religion de leurs ancêtres.

Ainsi, grâce au faciès existentiel de l’Asiatique, les Blancs ont su à leurs dépens la différence entre singer et imiter. Si les Asiatiques les imitent, au point même de les battre à leurs propres fabriques du monde moderne, les Noirs les singent. Pour le Blanc, singer c’est subir ridiculement le mode d’existence de celui que l’on imite sans faire le moindre effort d’appropriation, sans assumer ni bâtir sa propre indépendance symbolique.  L’imitation, qui est une modalité du savoir, est en fait digne de respect. Mais celui qui – volontairement ou non — ne fait rien par lui-même, attend tout de l’autre, des autres, celui qui a renoncé virtuellement à sa dignité d’homo faber ou qui laisse en douter ; celui qui dans la médiation de son rapport au monde est obligé de passer par les cadres symboliques de vision et de division du monde des autres – langues, religion, monnaie, etc. – c’est celui-là que le Blanc appelle singe.

Et nous pensons qu’il n’a pas raison ? Regardez le spectacle de nos sociétés et de nos dirigeants, leur irresponsabilité et leurs compromissions qui ont enfoncé l’Afrique dans la misère généralisée, l’immigration, la fuite, le sauve qui peu et, en Libye, dans le piège scandaleux de l’esclavage.

Cette résilience à toute épreuve qui pousse l’Africain à se taire, à reculer, à fuir, ou à ajourner sa révolte, au lieu de se prendre en main face aux injustices qui l’accablent, c’est ça que le Blanc considère comme cool. Non seulement nous les singeons, mais contrairement à certains singes qui savent se révolter nous, nous subissons docilement leur domination et leur pillage de nos ressources humaines et matérielles sans broncher.

Toutefois, il faut souligner que ce n’est pas peu malin de la part du Blanc de relever ce côté cool de notre posture simiesque, car ce qui est relevé là n’a rien d’essentiel ou de propre au Noir, rien de fatal. Le Blanc est partie intégrante de ce qu’il pointe du doigt. Sankara n’était pas cool, et il ne s’était pas suicidé. Sur ce point, le discours du Blanc est au mieux de la mauvaise foi, car à l’instar de l’Afrique, le Noir est une invention du Blanc. Au côté cool près, l’Afrique peut cesser d’être la risée du monde ; pour cela elle peut et elle doit mettre fin à sa condition de singe dans laquelle sa responsabilité, autant que celle du Blanc, est engagée.

Aliou Kojovi

Le Noir, le Blanc et leur Singe

 

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Pendant que les Singes se Démenaient

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