Comment penser nos responsabilités face aux crimes du passé dont les conséquences continuent de peser sur les conditions d’existence des victimes ou de leurs descendants ? Un premier pas, pour la philosophe Catherine Lu, serait d’admettre et de théoriser les racines coloniales de l’ordre mondial.
En 1904, sur l’actuel territoire de la Namibie, les troupes coloniales allemandes, en réponse à un soulèvement de Hereros mené par Samuel Maharero contre les conditions du régime colonial allemand, s’engagent dans un programme d’extermination systématique contre les Hereros et les Namas : ce massacre, reconnu publiquement comme « un crime de guerre et un génocide » par le ministre des Affaires étrangères allemand en 2015, a donné lieu à un important travail d’histoire et de mémoire, mais également de demandes de justice. Ce cas, parmi d’autres liés à l’histoire et aux pratiques des guerres coloniales et du colonialisme notamment, pose des questions compliquées à la philosophie politique et éthique et aux théories des relations internationales qui se préoccupent de proposer des cadres normatifs pour la justice et la réconciliation à l’échelle mondiale. Avec quel cadre normatif penser les crimes du passé ? Comment évaluer et mesurer les responsabilités actuelles ? Comment identifier ces injustices du passé qui pèsent toujours sur la structure et l’organisation de l’ordre mondial et sur les relations interétatiques ou transnationales ? Quels principes de redistribution ou de rectification formuler pour redresser ces injustices ? Dans son livre récent, Catherine Lu offre un cadre théorique et normatif puissant, appuyé sur une analyse historique et historiographique précise, qui lui permet de souligner la dimension structurelle des injustices internationales et de promouvoir, à partir de leur diagnostic, des principes de transformation pour un ordre international juste.