Talon est arrivé au pouvoir avec l’intention de redresser ses affaires qui avaient été mises en danger, voire ruinées, par son prédécesseur et ami, Yayi Boni. Cette situation a eu des conséquences dramatiques et juridiques bien connues. C’est ainsi qu’il a réalisé que, en politique, on ne peut compter que sur soi-même. Il a donc décidé de mettre fin à ses alliances politiques, qui lui servaient de façade, et de prendre directement les rênes du pouvoir présidentiel. Étant donné la propension au marchandage des consciences au Bénin, il n’a pas eu de mal à réaliser son intention.

Une fois au pouvoir, Talon a révélé son cynisme et son réalisme, ce qui a été plus révélateur de sa personnalité que du Bénin lui-même. Il a rapidement tourné le dos à tous ceux qui l’avaient aidé à accéder à la présidence. Il a appliqué le vieil adage selon lequel « l’homme est toujours pressé de se venger de ses bienfaiteurs ». Adjavon, Soglo et d’autres ont rapidement ressenti les conséquences de cette attitude. Talon a exercé un pouvoir autoritaire et écarté impitoyablement toutes les personnes qui pouvaient remettre en question sa volonté suprême. Bien que Talon affirme que sa rigueur et ses actions politiques visent à faire du Bénin un pays prospère et à rendre les Béninois heureux, il est difficile de croire que la violence politique et les mesures draconiennes prises au cours des six dernières années aient uniquement pour but d’améliorer les conditions de vie du pays. Les Béninois ont encore du mal à se défaire de la faim qui les tourmente, et il est indéniable que les difficultés du pays ne peuvent être attribuées uniquement au régime de Talon, bien qu’on dise que « les riches sont responsables de tout ». Ces problèmes sont en grande partie endémiques et préexistants à son arrivée au pouvoir. Cependant, il est légitime de se demander si sa politique a aggravé ces difficultés. Les infrastructures, telles que les routes et les ponts, peuvent être utiles pour faciliter la communication et désengorger certaines régions, notamment pour le transport des produits, mais elles ne résolvent pas la majorité des problèmes de la population. Malgré les belles promesses, une grande partie de la population béninoise se retrouve confrontée à la débrouillardise, à l’incertitude et à l’abandon.

La philosophie de Talon consiste à associer sa rigueur et ses réalisations en termes d’infrastructures à la résurrection, la restauration et la sécurisation de ses propres affaires. Il s’entoure d’un groupe d’amis et de proches pour renforcer cet intérêt personnel, qui est son objectif principal. Talon n’a pas hésité à déclarer ouvertement qu’il était avant tout intéressé par son propre intérêt.

Au départ, Talon pensait pouvoir atteindre son objectif initial en quelques mois, voire quelques années tout au plus. C’est pourquoi il a avancé l’idée d’un mandat unique. Cependant, une fois au pouvoir, il a rapidement changé d’avis et est désormais confronté au dilemme courant dans de nombreux pays de la Françafrique : opter pour un troisième mandat ou non. Comment conserver le pouvoir tout en respectant les apparences constitutionnelles ?

Pourquoi Talon se retrouve-t-il dans cette situation ? Tout simplement parce qu’après avoir atteint son objectif initial de redressement personnel, qui consistait à réhabiliter et revitaliser ses affaires autrefois sabotées par Yayi Boni, Talon est confronté au défi délicat de pérenniser son action. Il réalise que l’action politique ne se limite pas à un individu, mais est soumise au jugement de l’histoire. Il est anxieux face à ce tribunal du temps, car il se rend compte que son dossier n’est pas solide en raison du grand nombre d’ennemis qu’il a créés pour atteindre ses objectifs. Il comprend que le camouflage des réalisations personnelles derrière le développement national n’est que partiellement efficace sur le plan social. Le jugement de l’histoire ne proviendra ni de Talon ni de ses ennemis, mais de la société béninoise dans son ensemble, du peuple béninois.C’est pour cela que Talon étudie la meilleure formule pour entourlouper le peuple, comme lors de sa première élection où des erreurs monumentales de Yayi Boni lui ont offert le bel alibi de l’identité nationale sur un plateau en or. Selon des indiscrétions faites par un de ces ennemis intimes, Rodriguez,  pour ne pas le nommer, Talon chercherait à faire faire un come-back  présidentiel à Yayi Boni dans l’histoire du Bénin, comme si cela ne suffisait pas. 

Cependant, comme le disait Bob Marley : “ You can fool some people sometimes,  but you can’t fool all the people all the time”

Le vrai problème de Talon c’est comment faire oublier au peuple béninois, seul juge devant l’histoire, le mal que lui a coûté la réalisation non pas des rêves du peuple, mais ses propres rêves. Comment faire en sorte que l’édifice construit à coup de poigne ne soit entraîné vers sa chute par la roue de l’histoire ?

Tel est le vrai headache de Talon !

Adenifuja Bolaji