Vies d’esclaves : Autre perspective sur l’« esclavage atlantique » ?

Voici vingt ans, Eduardo França Paiva s’élevait contre l’imaginaire du tronco1 enveloppant les études sur l’esclavage au Brésil. Cette métaphore, qui rendait compte des relations esclavagistes à travers le lexique de la surexploitation et surtout de la violence extrême à laquelle étaient soumises les victimes de la traite atlantique, laissait peu de place, affirmait-il, à l’idée que ces victimes étaient également des femmes, des hommes et des enfants possédant un entendement et un discernement. Non uniquement une force de travail éphémère à l’espérance de vie très limitée, une « sous-humanité » naturellement faite pour endurer l’inimaginable, mais des personnes et des acteurs en lutte quotidienne et, partant, construisant à leur tour l’univers social dans lequel ils vivaient (Paiva 2003).

Vingt ans plus tard, il semblerait que les cloisonnements disciplinaires, méthodologiques ou idéologiques de la recherche dans notre monde pourtant « globalisé » expliquent que ces remarques judicieuses n’aient pas toujours été entendues.

Tout un pan de la recherche récente et moins récente sur l’esclavage dans le monde atlantique s’est ainsi engouffré dans des interprétations globales du phénomène esclavagiste. Celui-ci serait profondément lié à l’émergence, dès la fin du xve siècle, de la notion de race. Or, cette naissance précoce de la notion de race ne fait qu’accroître l’ambiguïté profonde de l’expression « esclavage racial ». Celui-ci, défini comme une forme de domination fondée sur la conviction que les Africains étaient naturellement voués à la servitude, serait la condition et le produit, en même temps, de la traite atlantique ainsi que de l’exploitation particulièrement cruelle de cette « sous-humanité ». Cet univers de violence, dont l’archétype est constitué par la plantation, serait, de plus, la matrice des relations raciales dans l’ensemble des mondes coloniaux, que ceux-ci aient connu ou non l’économie de plantation

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  1. Ce terme tronco désigne en portugais le « pilori » ou le « cep » utilisé pour entraver les esclave (…)

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