Lettre à Pancrace sur la France et son Prix Nobel de «  Out of Africa » !

Après avoir invité la jeunesse africaine à Montpellier sans en référer aux dirigeants africains, — ces boys à qui elle n’a pas à demander de permission — la France vient opportunément d’attribuer un prix littéraire d’importance à un Sénégalais sans demander son reste. Et tu me demandes si on peut espérer qu’elle ne l’a fait que pour les beaux yeux de cet écrivain, «  ce Noir intelligent et qui manie bien leur langue ». Oui, cher ami, espérons qu’il n’y a dans ce geste providentiel aucune intention d’emberlificoter l’opinion, notamment la jeunesse africaine qui en a ras le bol du viol permanent de leur mère Afrique par la France. Espérons que dans la veine assimilationniste qui est son crédo depuis toujours, la France n’essaie pas d’enfermer la nouvelle génération dans la confusion mentale et l’illusion symbolique d’un destin commun. Espérons aussi que l’origine sénégalaise du lauréat  est tout à fait fortuite. Car on sait, au moins depuis Senghor, que le Sénégal est une terre d’élection des ludions intellectuels du paternalisme colonialiste français.

La prétention française à endormir les Africains francophones avec ces gestes symboliques obscènes serait une extravagance malvenue au moment où il sied que l’Afrique, la jeunesse africaine rompt définitivement les amarres et conquière sa liberté symbolique si indispensable à sa libération définitive du joug colonial.

On ne peut pas être un prédateur  impénitent et infatigable de l’Afrique noire, y fomenter jour et nuit des coups d’État, des pillages, des guerres sanglantes, y imposer  une monnaie de singe et des dirigeants aux ordres et ensuite espérer effacer tous ces crimes d’un trait de plume, fût-il celui d’un Goncourt !

Est-ce que les Africains ont vocation à s’enorgueillir de ce que l’un des leurs a été  reconnu de façon providentielle par un jury littéraire parisien au moment même où sur le continent aucune langue africaine n’est écrite pour soutenir, illustrer et défendre la si riche littérature africaine ? J’ose espérer que non !

Non, soyons sérieux, laissons la France s’immoler à ses petits jeux de manipulation de Nègres, piperies obscènes auxquelles elle est accoutumée et qui depuis Senghor et autres Batouala, n’ont rien changé au destin de l’Afrique réelle.

Nous sommes vraiment contents pour le Sénégalais qui a reçu ce Goncourt ; il n’a qu’à en profiter pour lui et pour lui seul, et ne pas chercher à se poser en Africain qui a reçu le prix français. Les prix littéraires chinois récompensent les écrivains chinois, les prix littéraires  français aussi récompensent les écrivains français, et l’Afrique n’a rien à y voir de près ou de loin ! Car tel n’est pas notre destin.

Mais la France quant à elle mérite le prix Nobel de « Out of Africa » …For ever !

Tel est, mon Cher Pancrace, mon humble avis sur la question, et j’ose espérer que le grand diplomate que tu es, n’y opposera pas son véto.

Très amicalement,

Binason Avèkes

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2 commentaires

  1. Oui, le destin de Yambo Ouologhem a été mystérieux et tragique. Un missile qui a explosé en vol. Cela dit, ce n’est pas vraiment important de traquer toutes les diableries des Européens… La France n’est d’ailleurs pas la seule à faire ça. L’Angleterre aussi fait pareil à sa manière. Le prix Nobel de notre frère yoruba Wole Soyinka, qui en tant que tel serait bien revenu en toute justice africaine à notre cousin Ibo Chinua Achebe, en dit long sur ces tractations souterraines. Mon opinion est que toutes ces manipulations ont un effet limité. Il y a toujours des ressortissants des pays colonisés qui aspirent à la reconnaissance symbolique du système culturel du colonisateur. Plus d’un Arabe d’Afrique du Nord, est jaloux de ce choix d’un Noir par le jury Goncourt 2021, alors qu’il piaffe d’impatience sur les rangs depuis longtemps. La France de Mitterrand avait déjà fait un essai avec Tahar Ben Jelloun. Et selon eux, la tradition, cette exception symbolique exclusive devait continuer en leur faveur. A ma connaissance, un Noir africain n’a jamais été promu à ce niveau de reconnaissance littéraire.
    Moi je crois que les effets de ces manigances sont limités et relèvent pour une grande part de la masturbation des Blanco-blanc… C’est à nous de nous prendre au sérieux, de prendre nos langues au sérieux, de les injecter dans notre système complet de représentation et d’appréhension du monde. Tous les peuples on déjà fait cela sauf nous. Et cela nous paraît naturel. Sommes-nous conscient du trait symbolique qui relie la langue française que nous faisons parler et écrire à nos enfants dans nos écoles et la monnaie française, CFA qui régit nos économies ?
    Il n’y rien de naturel ni d’honorifique dans le fait que l’un des nôtres a reçu un prix littéraire occidental. En principe si nous étions-nous mêmes cela ne devrait qu’être un épiphénomène… Ce qui est important c’est qu’une réaction critique comme celle portée par mon post soit largement partagée par les Africains : il faut dé-duper la jeunesse africaine… C’est tout.

    • On peut avoir l’illusion que les Africains sont enclins à se vendre. C’est du moins à cette conclusion qu’on arrive lorsqu’on regarde le passé esclavagiste et même colonial et néocolonial. On peut dire que les prétendus intellectuels comme Mbembe ou le Mohamed Goncourt illustrent bien ce sentiment. Mais en fait c’est faux ; en dehors des Mbembe et autres Mohamed, il y a des milliers d’intellectuels Africains qui ne mangent pas de ce pain-là et qui n’en mangeront jamais. Sauf qu’on assiste à une sélection imposée par les Blancs. Ceux qui n’en mangent pas sont invisibilisés au mieux, éliminés au pire…Et, après ce sont les mêmes qui diront dans 10, 20, 50 ans que les intellectuels africains se vendaient que les Africains se vendaient eux-mêmes etc…

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