Monsieur le Président, |
Analyse du discours
Elle commence en disant « J’ai beaucoup aimé votre intervention ». Elle n’a pas dit « j’ai bien aimé », mais bien « j’ai beaucoup aimé » et on se dit, eh chiche, on va voir ce qu’elle a aimé dans l’intervention, et comment elle l’a aimée.
Et dans cette attente ou cette recherche, on tombe de haut, on revient bredouille et plutôt frustré.
On se rend compte que la langue wolof qu’elle parle est toute en ironie cinglante, en revirements, et en renversements. Elle fait des bonds et des détours sémantiques d’une subtilité inouïe. Ainsi, au début, elle dit : « Nous sommes de la même génération consciente et responsable » puis vers la fin après avoir montré comment et ce qu’elle aime dans l’intervention de Macron, — c’est-à-dire rien — elle se désolidarise de sa génération et dit : « notre génération n’a pas la même responsabilité que la vôtre »… Le divorce générationnel est consommé. L’identité du début n’était que de façade.
D’un point de vue rhétorique, le discours est d’une cohérence redoutable. De la même manière qu’elle commence par « J’ai beaucoup aimé votre intervention », elle termine par un merci, et quand on voit l’objet de ce remerciement, on se rend compte, qu’il est tout aussi ironiquement inversé. « Merci pour vos leçons et votre arrogance », dit-elle sans se départir de la tranquillité du ton, et sans agressivité. Et le discours se termine en toute simplicité en offrant une perspective toute en conscience et en dignité : « Et notre génération a une histoire à reconstruire avec sa propre culture. » En peu de mot tout est dit, et on n’a rien à y ajouter, rien à retrancher.
Cette communication faite par une Jeune Africaine en langue africaine est un modèle à copier. En cette époque où les médias audiovisuels sont devenus la norme, elle donne une idée de ce que doit être provisoirement notre communication nationale et internationale en Afrique pour un minimum de dignité symbolique. Un Africain doit parler en Africain, c’est-à-dire dans une langue africaine et en toute dignité africaine. Espérons que ce modèle de communication fera tâche d’huile.
Adio Badaga