Curieuse Tendance, en cette année de Tension Politique
Les résultats du BEPC sont tombés depuis quelques jours, et la crue de 2019 met en tête les deux départements phares du Nord que sont le Borgou et l’Atacora — le littoral étant en réalité réduit à l’agglomération de Cotonou.
Cette tendance est inhabituelle et jure avec les réalités sociologiques. Sans aller plus loin dans le passé, un examen rapide des résultats des trois dernières années ou le régime de la Rupture est au pouvoir nous montre une structure stable de l’ordre des performances par département
2016
Atlantique-Littoral | 21,08 % – 1/2 |
Borgou-Alibori | 15,08 % – 3/4 |
Ouémé-Plateau | 14,47 % – 5/6 |
Zou-Collines | 13,48 % – 7/8 |
Mono-Couffo | 13,18 % – 9/10 |
Atacora-Donga | 11,98 % – 11/12 |
2017
Littoral 59,57 %. – 1er | l’Atacora 47,96 %. – 7ème |
l’Atlantique 57, 45 %. – 2ème | l’Ouémé 46,68%. – 8ème |
Mono 55,44 %. – 3ème | Les collines de 45,49 %. – 9ème |
Couffo 53,01 % – 4ème | Le Zou vient 43,45 % – 10ème |
Plateau 50,59 %. – 5ème | l’Alibori 38,89 % – 11ème |
Borgou 50,01 %. – 6ème | la Donga 38,65 %. – 12ème |
2018
Littoral : 40,36℅ – 1er |
Collines : 25,26% – 7ème |
Atlantique : 34,26% – 2ème |
Plateau : 24,87% – 8ème |
Zou : 28,48% – 3ème |
Couffo: 24,54% – 9ème |
Donga: 28,14% – 4ème |
Atacora: 20,84% – 10ème |
Mono: 28,10% – 5ème |
Alibori: 20,69% – 11ème |
Ouémé : 27,16% – 6ème |
Borgou: 20,00% – 12ème |
Comme on le voit dans tous ces tableaux les quatre départements du Nord, outre le fait qu’ils contribuent numériquement moins au contingent des candidats non seulement du fait de leur moindre population mais aussi pour des raisons socioculturelles et historiques qui ont la vie dure, leur rang est souvent en queue de peloton.
Le tableau ci-dessous montre que le meilleur rang moyen pour un département du Nord sur les quatre années considérées ici ( 2016, 2017, 2018 et 2019) est le 7ème.
2016 | 2017 | 2018 | Rang moyen | |
Borgou | 3 | 6 | 12 | 7ème |
Alibori | 4 | 11 | 11 | 9ème |
Atakora | 11 | 7 | 10 | 9ème |
Donga | 12 | 12 | 4 | 9ème |
C’est en cela que la tendance de cette année jure avec la tradition sociologique héritée du passé. Comme le montre le tableau coi-dessous, elle place les deux départements phare du Nord en tête – sachant que le littoral est réduit en fait à la seule agglomération de Cotonou.
2019
En cette année de tension politique, où à tort ou à raison, le Nord est très remonté contre le régime, a-t-on voulu apaiser la jeunesse en lui procurant un motif de fierté ? Tant il est vrai que la situation sociologique de l’éducation dans le Nord — en termes aussi bien d’infrastructures que de moyens humains est une réelle cause de frustration que les gouvernements successifs n’ont jamais abordée avec le sérieux qu’elle mérite. Et pourtant, des solutions existent. Le modèle du Ghana qui a hérité des mêmes disparités socioculturelles que le Bénin est un exemple qui mérite d’être considéré. Dans ce pays frère du même côte du Bénin que nous, l’État a remédié à la disparité scolaire en rendant dans les zones concernées l’éducation gratuite de la maternelle à l’Université. Cette loi introduite par le premier gouvernement de N’krumah, a favorisé le Nord du Ghana. En l’espace d’un demi-siècle, elle a porté ses fruits, et le Ghana peut être fier de la parité régionale en termes de résultats scolaires. Car la vraie parité n’est pas une parité décrétée en aval, comme nous tentons de le faire au Bénin en imposant illégalement à certains concours des quotas d’admission selon les régions mais une parité au mérite assumée en amont et qui donne sa chance à chaque citoyen quelle que soit sa région de naissance.
Le bidouillage des chiffres suspecté ici peut s’expliquer simplement. A chiffre d’admis constant par département, on peut bien jouer sur le nombre de présents, le rendre aussi petit qu’on peut, dès lors qu’il reste supérieur au nombre d’admis. Cela permet, le cas échéant de concocter un ordre de performance selon les départements à la convenance politique de ceux qui se livrent à ce type de calcul politiquement inspiré. Dans un climat politique où la transparence et la rationalité légale ont la vie dure, force est d’interroger d’autres indicateurs plus objectifs. Comme par exemple le ration d’admissible par département par le nombre d’habitants de celui-ci.
C’est l’exercice que propose le tableau ci-dessous :
DÉPARTEMENT | Admissibles | Habitants | Admissibles pour 10000 habitants | Rang |
ATLANTIQUE | 27051 | 1 398 229 | 193 | 1er |
LITTORAL | 12822 | 679 012 | 189 | 2ème |
BORGOU | 12722 | 1 214 249 | 105 | 3ème |
ZOU | 8364 | 851 580 | 98 | 4ème |
COLLINES | 6759 | 717 477 | 94 | 5ème |
MONO | 4326 | 497 243 | 87 | 6ème |
PLATEAU | 5183 | 622 372 | 83 | 7ème |
ATACORA | 6070 | 772 262 | 79 | 8ème |
COUFFO | 4534 | 745 328 | 61 | 9ème |
DONGA | 2931 | 543 130 | 54 | 10ème |
ALIBORI | 2786 | 867 463 | 32 | 11ème |
OUEME | 3230 | 1 100 404 | 29 | 12ème |
Et cette méthode d’évaluation des performances est non seulement objective, mais a du sens sociologiquement parlant. il nous montre le nombre d’admis par département pour 10 000 habitants. En principe, si les pouvoirs publics ont bien fait leur travail depuis des décennies le pourcentage de citoyen instruits devrait être à peu près le même dans le pays, quelque soit le département de naissance ou d’habitation.
En suivant cette logique, on voit bien que l’ordre sociologique habituel des performances par département redevient stable.
A mille lieues d’une sociologie du soupçon, la démarche suivie ici n’est qu’un questionnement sur la présentation des résultats qui se veut purement hypothétique ; elle ne constitue pas une affirmation preuve à l’appui. Mais, en cette période où le gouvernement n’a pas froid aux yeux pour bidouiller les résultats des élections — ceux-ci, on le sait, ont gonflé au fur et à mesure qu’ils s’éloignaient du terrain vers la cour constitutionnelle en passant par la CENA — peut-on considérer comme absolument délirante l’idée que la curieuse tendance des résultats du BEPC cette année soit concoctée à dessein ?
Adenifuja Bolaji