Pour une Justice Climatique

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Nous ne sommes pas tous également exposés aux effets du changement climatique. Les plus pauvres et les générations futures sont les principales victimes d’un réchauffement auquel les pays développés ont grandement contribué. D’où un problème moral et politique rarement pris en considération.

La justice climatique est sans doute l’un des enjeux les plus importants du XXIesiècle. Pourtant, la question a suscité peu d’intérêt en France jusqu’à présent. Michel Bourban comble ce manque avec le premier livre complet consacré en français à cette dimension particulière des inégalités environnementales : Penser la justice climatique [1]. Cet ouvrage conséquent (429 pages) et bien documenté cherche d’abord à élaborer un diagnostic moral du changement climatique, avant de développer des propositions politiques pour répondre à cet immense défi. Loin d’une philosophie déconnectée du réel, l’auteur développe une approche appliquée de l’éthique et de la philosophie politique, qui n’a pas peur de se confronter aux données scientifiques et économiques, ou encore de prendre position pour des politiques concrètes.

Penser les injustices climatiques

L’ouvrage débute par une synthèse sérieuse des données scientifiques, assumant ainsi pleinement la nécessité d’une approche multidisciplinaire du sujet. Au-delà des alarmes classiques, ce qui en ressort et fait la spécificité de la problématique de la justice, c’est d’interroger le changement climatique au prisme des inégalités. M. Bourban montre bien l’existence d’une double inégalité, relative à la fois à la contribution aux causes et aux effets du réchauffement planétaire. D’une part, les émissions de gaz à effet de serre sont très inégalement réparties entre les pays. D’autre part, les effets du changement climatique sont eux aussi très inégaux et touchent avant tout les plus défavorisés ainsi que les générations futures. Ainsi, les populations des pays en développement et les générations futures sont les plus vulnérables aux effets du changement climatique, alors qu’elles n’ont que peu ou pas encore contribué à ses causes, contrairement aux populations présentes et passées des pays développés.

Mais comment discerner alors les inégalités injustes de celles qui sont tolérables ? Comment passer du vocable des inégalités à celui des injustices ? C’est ici que le philosophe vient compléter les données de l’économie et des sciences sociales par une interrogation sur les jugements de valeur légitimes. L’approche de M. Bourban est fondée sur les droits de l’homme (p. 71), les effets du changement climatique menaçant les droits à la vie, à la santé et à la subsistance. Ce fondement moral peu controversé a l’avantage de définir un seuil de dignité universel. De plus, les droits de l’homme sont à leur tour appuyés sur un principe incontestable et ne reposant sur aucune théorie de la justice en particulier : le principe de non-nuisance. Ce principe est par ailleurs réinterprété afin d’englober les nuisances provoquées par la simple participation à un système qui promeut des « injustices structurelles » (p. 91).

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