A l’approche des élections générales qui se profilent, les grands candidats, ceux du PDP et de l’APC au pouvoir échangent des gracieusetés inamicales et des accusations de toutes sortes. Et parmi elles, la question de la corruption vient au premier plan. Outre le fait que le Nigeria est l’un des pays les plus corrompus et où ce fléau est le plus impuni au monde, la raison de cette prédilection pour le sujet de la corruption réside dans le fait que le Président sortant, Monsieur Buhari en a fait à la fois son cheval de bataille et son identifiant éthique et politique. En effet, les deux grandes promesses électorales faites au Nigérians par le Président Buhari en 2015 se concentrent sur la lutte contre la corruption et le démantèlement du groupe terroriste Boko haram. A moins d’une année de la fin de son mandat, à l’heure du bilan de sa législature, la réalisation de ces promesses est largement sujette à caution. Outre le fait que Buhari est accusé d’avoir été des promoteurs du groupe terroriste à des fins de domination religieuse du Nord musulman sur tout le pays, les résultats du combat supposé de son gouvernement contre la secte terroriste laissent à désirer. La persistance des attaques et tueries de Boko haram dans le Nord-est du pays et ses massacres commis contre des soldats de l’armée, prouvent que le groupe terroriste est loin d’être mis hors jeu, même s’il n’est plus au mieux de sa forme comme sous le gouvernement de M. Jonathan.
Quant à la corruption, tout porte à croire que Buhari a utilisé ce thème pour exploiter le rêve des Nigérian de le voir éradiqué et qu’il s’est arrogé une fausse image qui jure avec la réalité de ses intentions et de ses faits et gestes. En clair, si Buhari n’est pas un grand voleur de deniers publics comme le sont la plupart des hommes politiques du Nigeria dans l’impunité la plus complète, sur la question de la corruption et des pratiques connexes, il est loin d’être le sain qu’il prétend être. Pour se dédouaner de ses échecs sur le terrain de la corruption, corroborés par la dégringolade du Nigeria dans l’indice de corruption de Transparency International, Buhari invoque la lenteur du système.
Son principal opposant, le candidat du PDP, Monsieur Abubakar Atiku dans une réaction a résumé l’essentiel des critiques adressées à M. Buhari sur la question de la corruption.
«Ma réponse immédiate à cette question est de féliciter le président Buhari d’avoir admis son échec dans la lutte contre la corruption. Le président vient de corroborer Transparency International, dont le dernier indice de perception de la corruption montre que le Nigéria est aujourd’hui plus corrompu que sous le gouvernement précédent. Il a reculé de 12 places dans l’IPC, passant de 136 en 2014 à 148 cette année.
«Mais mon point divergence avec le président est lorsqu’il blâme le système pour son échec. Je ne suis pas d’accord. Le système présente des défis, certes, mais lorsqu’il existe une volonté politique, il peut progresser.
«J’ai été vice-président du Nigéria de 1999 à 2007 et nous avons utilisé ce même système pour condamner rapidement une personnalité aussi haute qu’un inspecteur général de la police et plusieurs autres, notamment des ministres et d’autres hauts fonctionnaires.
« Monsieur le Président, le problème de votre guerre anti-corruption n’est pas le système. Vous êtes le problème!
«Le système vous permet d’arrêter, de juger et de condamner votre ancien secrétaire du gouvernement de la Fédération, qui a été pointé du doigt dans une importante affaire de corruption, mais vous avez choisi de le laisser partir en liberté et vous avez démontré votre tolérance à sa corruption en lui donnant un rôle important dans votre campagne de réélection et l’accueillant récemment à bras ouverts à la Villa présidentielle.
«Le système vous a permis d’arrêter, de juger et de condamner Monsieur Abdulrasheed Maina, le plus grand voleur présumé de l’histoire de notre fonction publique, soupçonné de piller les pensions de millions de Nigérians âgés. Pourtant, vous avez choisi de ne pas suivre cette voie, préférant le rappeler, le réintégrer et le promouvoir, tout en lui donnant des gardes armés pour se déplacer.
«Le système vous permet d’enquêter sur les contrats NNPC d’une valeur de 25 milliards de dollars attribués sans procédure régulière, mais vous avez choisi d’enterrer la question sous le tapis, en espérant que le peuple nigérian oublierait ce pillage de haut vol exposé par un mémo rendu public par un membre de cabinet.
«Enfin, rien dans le système ne vous empêche de dire aux Nigérians à qui appartiennent les milliards trouvés dans un appartement à Ikoyi.
«Sur la base de l’exposé des faits ci-dessus, je ne vous permettrai pas de faire du Nigéria le bouc émissaire de votre échec. Votre échec est personnel et non national.»
A cette liste de Prévert des manquements ou actions impaires du Président Buhari sur le terrain de la corruption, il faut ajouter des faits plus graves concernant des allégations de corruption touchant directement le Président et son entourage familial.
Selon des informations publiée par la presse nigériane, les membres de la famille du président Muhammadu Buhari détiendraient désormais une part importante d’Etisalat au Nigeria, à hauteur de 2 milliards de dollars (environ N277 milliards de nairas) sur sa valeur nette globale estimée à 20 milliards de dollars. «
L’accusation arrive au milieu d’allégations diffusées dans les médias selon lesquelles le gouvernement fédéral, dirigé envisage d’utiliser des milliards de nairas du programme Anchor Borrowers alloués aux agriculteurs par la Banque centrale du Nigeria (CBN). millions d’agriculteurs en façade, en utilisant des dons imaginaires de 12 milliards d’agriculteurs comme façade.
En effet dans un tour de passe-passe politico-médiatique qui tient de la manipulation, le parti APC au pouvoir a prétendu que 12 millions d’agriculteurs auraient cotisé de l’argent pour payer les frais de candidature de Buhari. Ce qui sous-entend que le prochain score de Monsieur Buhari aux élections présidentielles serait supérieur à 12 millions de voix, un chiffre qui n’est pas loin de la moitié du nombre de votants lors des dernières élections. Cette grossière tractation inconstitutionnelle annonce la couleur d’une volonté de passage en force en 2019 ; chef-d’oeuvre de manipulation médiatique, elle pue la corruption dont Buhari se dit pourtant le grand chevalier blanc !
Même s’il faut replacer toutes ces accusations et tensions dans le contexte des polémiques préélectorales, il reste que la corruption au Nigeria attend son vrai éradicateur et que Buhari, loin d’être le sain qu’il se prétend, a surtout joué à en surfer sur la vague.
Adériniwalé Bakari