Bénin2016 Éric Houndété, Mé- téore sans Tête ni Queue de l’Espace Politique Béninoise

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Son parti, ou plus exactement son alliance a opté pour une stratégie de non-candidature aussi bien à l’interne qu’à l’externe. Dans cette optique, elle a demandé aux ténors et aux prétendants à la candidature de se fondre dans la masse pour contribuer à construire la victoire de l’opposition à la base. L’objectif est d’optimiser les chances du candidat de la rupture susceptible d’émerger au second tour. Mais au lieu de respecter la consigne de son alliance, Éric Houndété n’a pas pu résister à l’étalage de son amertume. L’option de l’UN a été ressentie comme un cruel désaveu de son aspiration présidentielle longuement caressée ; elle ruine son long rêve de plusieurs années patiemment nourri, et pour la réalisation duquel l’homme n’a ménagé aucun effort, aucun sacrifice pour s’illustrer. Depuis ses sorties médiatiques contre le gouvernement à l’Assemblée nationale, où sa voix s’est imposée comme l’incarnation d’une citoyenneté vigilante, jusqu’à son entrée, à l’issue des dernières élections législatives, dans le bureau de l’Assemblée dont il est devenu le vice-président.
Éric Houndété a tellement donné le meilleur de lui-même, s’est illustré comme un infatigable sniper antigouvernemental, a tellement assuré par tous les moyens — médiatiques et politiques — la naturalisation de son ambition présidentielle que la décision de l’UN de n’adouber aucun candidat lui est tombée dessus comme un coup de massue, assassin de son rêve le plus profond.
Celui dont la fébrilité médiatique lui avait valu le sobriquet de « président facebook » s’était soudain senti en porte à faux avec ses amis virtuels et réels. Et sa première réaction a été celle d’un rebelle meurtri qui n’entend pas se ranger après tant d’années d’échauffement, de piaffement et de mise en condition. Aussi, faisant fi des recommandations de l’UN, le pauvre Éric Houndété a décidé de présenter sa candidature sous une bannière créée de toute pièce et dénommée Bénin Nouveau. Dans cette aventure décidée au pied levé, lui et ses amis ont-ils le soutien unanime de son parti, Force clé ? Aucune certitude à ce sujet.
Mais ce maillon faible, animal blessé de l’opposition, a tôt fait d’être repéré par les impitoyables chasseurs de têtes et de logos du pouvoir, afin d’étoffer leur alliance contre nature. La caste du K.-O. électoral, qui a besoin d’exhiber un beau tableau de chasse pour convaincre de la plausibilité de son forfait, n’a pas tardé à lui mettre le grappin dessus. Comme on peut s’en douter, ce genre de passage à l’ennemi avec armes et bagages se négocie rubis sur l’ongle sur fond de promesses politiques et de postes juteux. Au lieu de débourser 15 millions à la CENA en pure perte, la nouvelle recrue de la bande à Zinsou recevra au contraire des dizaines voire des centaines de millions pour son ralliement, avec l’assurance de faire partie des nouveaux maîtres du pays après leur forfait consommé en avril 2016.
Éric Houndété, tel un pique-bœuf suiveur, prend le chemin tracé par Houngbédji, le président de l’Assemblée nationale. Il s’agit d’un coup risqué mais l’ex-prétendant à la candidature de l’UN veut espérer qu’un homme aussi expérimenté que Houngbédji ne se tromperait pas dans son choix.
L’histoire du comportement d’hommes politiques de premier plan comme Me Adrien Houngbédji a fini par conférer à la représentation collective de la politique au Bénin une signification intériorisée par les acteurs politiques eux-mêmes où les voltefaces, les choix revanchards, les trahisons, les règlements de compte, la haine de soi des sudistes, le mépris de l’électeur et le monarchisme des chefs de partis sont perçus comme des composantes valorisées. De ce point de vue, Éric Houndété a eu le sentiment confortable d’être sur une voie déjà tracée par d’illustres devanciers. Et c’est pour cela qu’il a foncé tête baissée du côté de Zinsou, le candidat du régime qu’il a passé le plus clair de son temps à vitupérer.

En cela, Éric Houndété s’est montré très Béninois dans son choix — entendez Béninois du Sud, esprit viscéralement brûlant de haine de soi, de jalousie et de revanche. Dans sa réaction mesquine, l’ex-aspirant à la candidature UN à la présidence a aussi épargné au Bénin l’erreur fatale d’élire à la tête du pays un homme moralement inconsistant, qui révèle à la première épreuve narcissique les limites de son abnégation. L’homme qui est longtemps apparu comme la voix citoyenne la plus vibrante et la plus vigilante de ces dix dernières années a, de par son choix désespéré et désespérant, opéré une rupture avec le peuple en reniant la rupture pourtant nécessaire avec le régime failli de Yayi.
Le destin d’Éric Houndété, sans en avoir les mêmes qualités biographiques va sombrer dans les mêmes ténèbres de l’indignité nationale que celui de son modèle et illustre devancier. Cette chute dans les ténèbres est un avènement inévitable de l’histoire, que les circonstances peuvent plus ou moins différer. Mais si le peuple béninois uni et vigilant rejette le scénario du holdup électoral et met en échec ses vils promoteurs, alors plus rapide sera la déchéance d’Éric Houndété, qui n’aura été en fin de compte qu’un météore sans tête ni queue de l’espace de désolation de la politique béninoise.

Adenifuja Bolaji

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