L’énoncé que constitue une décision de la Cour constitutionnelle au Bénin frise le type d’énoncé que Karl Popper qualifie d’infalsifiable. C’est-à-dire un discours qui comme un chat arrive toujours à tomber sur ses pattes. Simple question de rhétorique, en somme. En effet, à coup de rhétorique, depuis 2006, la Cour constitutionnelle est capable — et souvent ne s’est pas gênée — de présenter le caca de Yayi Boni comme de la mayonnaise. Ce n’est pas la faute à Holo ; avant lui, Robert Dossou avait effrontément confondu sa volonté et ses penchants politiques personnels pour la raison constitutionnelle révélée.
Le vrai problème est l’illusion inhérente à l’appropriation d’une institution ou d’un système séparés de leurs contextes historiques et sociaux, et motivée seulement par la certitude anthropologique que confère l’identité humaine. En effet, sont en jeu le principe et le fonctionnement de la cour constitutionnelle conçue pour et dans des sociétés occidentales, historiquement, moralement, intellectuellement et économiquement différentes de nos sociétés africaines sous-développées, aliénées et néo-colonisées ; sociétés occidentales où l’individu, épanoui et libre de par son habitus et les valeurs intériorisées, avec un sens élevé de l’intérêt collectif, est à même de soumettre ses passions et intérêts personnels aux valeurs collectives, à la vérité et à la justice, qu’en toute circonstance il recherche et actualise. Cette recherche est censée être dans ses preuves d’une perfection morale et d’une idéalité d’autant plus grandes que le niveau de formation intellectuelle et sociale de l’individu, comme c’est le cas des membres d’une Cour Constitutionnelle, est élevé.
En l’absence d’un tel contexte, éthique, social, et historique l’idée d’une cour constitutionnelle censée décider de la vérité ou de la justesse politique est au mieux une illusion et au pire un sinistre habillage constitutionnel de l’autocratie
Professeur Cossi Bio Ossè