
Bénin : Le Hollijè, un Héros Méconnu
Aujourd’hui au Bénin, la mémoire collective rassemble en elle, en toute conscience, les héros de la résistance à la colonisation. Dans les discours consacrés, les noms du roi Gbêhanzin, de Bio Guèra le wasangari et de Kaba sont souvent évoqués comme figures emblématiques de cette lutte contre l’envahisseur colonial. Récemment, l’historiographie a permis de mettre en lumière une nouvelle figure dans ce panthéon des résistants à la colonisation française : le roi Kpoyinzoun de Tado.
L’émergence du roi Kpoyinzoun dans l’historiographie
Le royaume de Tado, situé dans l’actuel Togo, est perçu comme le berceau de nombreux royaumes du sud du Bénin, notamment Allada, Abomey et Porto-Novo. Le roi Kpoyinzoun s’est illustré par son opposition frontale à la pénétration coloniale française, refusant de se soumettre aux autorités européennes. Son combat, bien que moins connu que celui de Gbêhanzin, fut tout aussi déterminant. Ce réexamen historiographique permet de réhabiliter une figure oubliée et de souligner l’importance de la résistance dans les régions sud du Bénin.
Toutefois, l’histoire de la résistance ne saurait être réduite à une succession de héros individuels. La focalisation sur des figures singulières occulte parfois l’importance des résistances collectives. C’est le cas du peuple Holli, dont la lutte incessante contre la domination coloniale reste largement méconnue.
Le Peuple Holli : Une Résistance Collectivement Ancrée
Un simple basculement vers une perspective collective permet de voir émerger une véritable épopée de la résistance anticoloniale : celle du peuple Holli, les habitants du Hollijè. Contrairement à certaines régions du Bénin où la résistance s’est incarnée en une seule figure, les Holli ont collectivement refusé la domination coloniale française. Leur résistance s’est manifestée sous diverses formes : militaire, sociale, culturelle et économique.
Avant, pendant et même après la colonisation, les Holli ont mis en place des stratégies multiples pour rejeter l’hégémonie européenne. Ils ont opposé une défiance systématique aux administrateurs français, refusé les prélèvements fiscaux et déployé des tactiques de survie communautaires. La résistance militaire s’est notamment illustrée par des affrontements violents avec les troupes coloniales, qui ont eu du mal à soumettre la région.
Une Mémoire Chantée : Transmission de la Résistance
Aujourd’hui encore, dans l’Ouémé, des chansons populaires rendent hommage à cette résistance farouche. Ces chants, fredonnés par les enfants et les adultes, traduisent l’admiration et la crainte que suscitait ce peuple indomptable.
Yé gbatomè na yovo t’Adjohoun
Kponon man gnin kpono !
(On a taloché un Blanc à Adjohoun,
La police n’est plus ce qu’elle était !)
Ces vers résonnent comme une transmission orale du refus de la domination étrangère. Ils rappellent que la colonisation, loin d’avoir été un processus pacifique, fut une lutte de chaque instant pour les peuples qui la subirent.
L’Oubli du Peuple Holli dans l’Histoire Nationale
Malgré leur engagement indéfectible dans la résistance, les Holli demeurent absents du panthéon officiel des héros de l’indépendance au Bénin. Cet oubli est symptomatique d’une historiographie encore trop marquée par le modèle occidental de l’héros individuel. Dans la tradition européenne, l’histoire est souvent racontée à travers les exploits de figures charismatiques, au détriment des mouvements collectifs.
Or, la résistance des Holli illustre une dynamique communautaire où chaque individu a joué un rôle crucial. Il est temps que l’histoire béninoise intègre pleinement cette réalité et rende justice à ceux qui ont, en unité, refusé l’asservissement colonial.
Conclusion : Une Statue Pour un Peuple
Les figures individuelles de la résistance comme Gbêhanzin ou Bio Guèra sont essentielles à la construction de la mémoire nationale, mais elles ne doivent pas faire oublier l’importance des résistances collectives. Le peuple Holli, par son opposition viscérale et continue à la colonisation, incarne un héroïsme collectif qui mérite d’être reconnu à sa juste valeur.
A l’instar des grands noms de la résistance béninoise, le peuple Holli attend sa statue. Non pas une statue en l’honneur d’un seul homme, mais un monument à la gloire d’une communauté entière qui, ensemble, a tenu tête à l’histoire.
Aladé Biojo
