
Dans un réquisitoire publié sur sa page facebook, Nathalie Yamb a accusé M. Nubukpo et certains invités de son colloque sur l’Eco organisé récemment à Lomé de rouler pour la France. Mais comment comprendre ce type de trahison devenue seconde nature parmi les élites putatives de l’Afrique?
Ce qui se passe en Afrique, en rapport avec la politique et la valeur citoyenne est scandaleux. Il s’agit de cette triste habitude, devenue seconde nature de parler de l’Afrique et des choses importantes pour son devenir en l’absence des Africains. Comme si ceux-ci étaient quantité négligeable, des non-êtres ou des mineurs politiques sinon des mineurs tout court. On parle de l’Eco, sans jamais demander l’avis des Africains, sans que les parlements y soient associés, sans que les représentations nationales aient leur mot à dire ! Or en ce qui concerne l’Euro, on ne compte pas le nombre de fois que les parlements nationales ont été mises à contribution, et les citoyens européens sondés pour donner non pas seulement leur avis mais surtout leur accord à chaque étape sensible de la construction de la monnaie européenne. Mais lorsqu’il s’agit de l’Afrique ces mœurs démocratiques n’ont plus cours, elles s’évanouissent comme par magie noire… L’absurdité la plus sinistre c’est qu’au moment même où en l’occurrence le parlement et le sénat français légifèrent sur la question du passage du CFA à l’Eco, les Africains eux ont à se suffire de la seule signature de Ouattara.
La France est passée maîtresse dans ce travers moral et politique, multipliant à l’envi des initiatives dans ce sens, désignant selon son bon vouloir des représentants ou des intermédiaires putatifs des Africains sans demander son reste, s’immisçant dans les affaires intimes de la gouvernance en Afrique, allant jusqu’à se faire partie dominante dans la question monétaire de pays qui sont pourtant souverains. Son intervention dans l’Eco qui défraie la chronique depuis quelque temps est l’illustration la plus affligeante de ce travers ; et, elle est scandaleuse à double titre.
Elle est scandaleuse parce que la France se permet d’intervenir, non pas comme un acteur qui se retire de la scène après plus d’un siècle de pillage mais comme continuatrice de l’œuvre au noir du pillage déguisée sous les dehors de la coopération ; et dès lors, son intrusion dans la monnaie des pays Africains — fussent-ils et parce qu’ils ont été ses anciennes colonies — est aussi choquante que si la Chine ou le Bangladesh avaient eu la même prétention. Cette intervention française, comme beaucoup d’autres plus politiques, — au Tchad, au Mali, ou en Côte d’Ivoire — est impudique, opérée sans vergogne ni scrupule et pour tout dire raciste, car, de toutes ses anciennes colonies de par le monde, il n’y a qu’avec les Noirs qu’elle se permet de faire ce genre d’interventions paternalistes.
Enfin, cette intervention est scandaleuse en ce qu’elle est l’épitomé de cette habitude consistant à mettre les peuples Africains hors jeu au moment même où se décide leur destin..
Aminou Balogun
