Arrêt sur Imaginaire : Kamala Harris ou le Progrès du Racisme en France

« Il y a des cours où bavarder fait progresser, proclame le slogan » avec aplomb. Le discours sous-jacent à cette annonce a deux axes, qui s’enracinent tous dans la manipulation tendancieuse de l’image des Noirs.

1. L’axe positif en apparence :

Celui que porte le discours du progrès. D’abord il y a l’aspect visuel de l’image avec le genre technique noir et blanc qui en même temps qu’il renvoie à l’historicité, le passé, plonge dans l’opposition raciale entre Noirs et Blancs qui marque l’histoire des rapports de l’Afrique avec l’Europe — que ce soit l’esclavage, la traite négrière, ou leurs conséquences que sont le colonialisme et le racisme. Ensuite, le modèle réel auquel renvoie le choix du modèle dans la publicité est bien Kamala Harris, la Vice-Présidente démocrate des Etats-unis. Non seulement, parce que l’air de famille saute aux yeux et se veut bien suggestif, mais aussi parce que le produit vendu est l’apprentissage de la langue anglaise qui, à un accent près, est la langue des Etats-unis. Et Kamala Harris, en tant que juriste américaine est censée manier cette langue. On est censé comprendre que ce sont les qualités liées à ce maniement qui l’ont fait progresser vers le devant de la scène jusqu’au poste historique pour une femme noire de vice président des Etats-unis. Véritablement, il s’agit d’un progrès, comme le postule implicitement le slogan de cette publicité. En achetant le produit proposé, on va progresser comme Kamala Harris… Mais là où sous ses dehors positifs le discours du progrès, dans ce contexte sociologique spécifique, charrie un relent de racisme c’est que l’idée de progrès est ambiguë et on est vite passé du progressisme à l’évolutionnisme

2. L’axe sournoisement négatif

Cet axe négatif est véhiculé par l’idée du bavardage. Le travail du juriste, de l’avocat, du juge et même du procureur, est un travail enté sur et hanté par la parole, le bavardage. Et ce travail de bavardage a fait « progresser » Kamala Harris vers les hauteurs de la vice-présidence des États-unis. Cette interprétation liminaire est une première approche sémiologique, qu’on peut déduire du premier axe. Mais plus directement l’idée du bavardage ici est associée à la représentation du Noir, telle que par exemple elle a été utilisée dans la publicité sur l’usage du téléphone. Les Noirs sont perçus comme des gens qui passent leur temps à bavarder, à se répandre dans le superficiel, le blabla, à être à la surface des choses, une inclination qui est en lien avec la culture de l’oralité et de la spontanéité dont ils relèvent. Et là encore le slogan promet de transformer le plomb du bavardage — qui est le propre des cancres, des élèves qui au lieu d’être attentifs en classe bavardent — en l’or du progrès et de la réussite scolaire…

Dans les deux cas, la publicité fait fond sur des préjugés racistes et manipule astucieusement les idées reçues ainsi que des éléments d’actualité pour faire passer son message. Au passage, elle peut se targuer voire se glorifier de participer à la présence des Noirs dans la publicité., mais, comme toujours en France lorsqu’une telle présence est mise en avant, elle renvoie opportunément à un usage raciste sous-jacent.

Ahandeci Berlioz

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