
Le problème qui se pose dans les rapports de l’Occident à l’Afrique, entre Blancs et Noirs, ressemble à s’y méprendre au problème originel des rapports entre l’homme et l’animal voire entre l’homme dit civilisé et l’environnement d’une manière générale.
L’homme, on le sait, affirme sa supériorité absolue sur l’animal. Cette supériorité basée sur son intelligence individuelle et collective lui a permis au fil du temps d’opposer une capacité d’organisation collective et de fabrication des armes de destruction ; le moins que l’on puisse dire est que cette capacité militaire de l’homme et les aptitudes agressives ou défensives naturelles des animaux sont incommensurables. Ainsi, entre l’homme et l’animal, au fil des millénaires, la peur d’être tué par l’autre a changé de camp ; de même que le pouvoir de vie ou de mort dont l’homme dit civilisé s’est arrogé l’apanage.
Si des animaux occupent un territoire au sol ou au sous sol convoités par le Blanc – paradigme anthropologique du destructeur écologique –, sans aucune forme de procès, celui-ci s’en accapare, par délogement, capture, déplacement ou extermination. Pour satisfaire ses besoins insatiables sans cesse croissants dont la légitimité lui paraît aller de soi en vertu d’un finalisme théologique béat, l’homme est prêt à tout détruire.
Ce rapport au monde et à l’environnement est certes une tendance générale de l’homme ; mais il est hélas exaspéré par l’homme Blanc avec une violence jamais égalée dans l’histoire ; cette violence marque ses agissements dans le monde, y compris dans ses rapports avec ses semblables humains. Pour les Blancs, tous les groupes humains – races, peuples, nations, continents, etc.…– qui n’ont pas d’armes aussi létales qu’eux sont soumis à un rapport oppressif assimilable à celui établi entre l’homme et l’animal. La respectabilité anthropologique est fonction de la capacité d’organisation collective et de fabrication d’armes létales : plus vous êtes collectivement bien organisés et fabriquez d’armes létales dissuasives plus vous êtes considérés comme humain ; dans le cas contraire, le traitement oppressif que le Blanc vous réservera sur l’échelle qui va de l’humain à l’animal sera proportionnel à votre degré d’organisation mesuré à l’aune de ses critères ethnocentriques. : dans l’histoire coloniale, on n‘a pas traité la Chine comme le Vietnam, pas le Vietnam comme l’Algérie, pas l’Algérie comme le Congo, etc… Dans l’histoire moderne de l’esclavage, la race et non pas la classe était le critère structurant, on n’a pas traité les Blancs comme les Noirs, le Noir était esclave et le Blanc maître.
Aujourd’hui, comme on le voit en France, le concept sémantiquement obscur de « grand remplacement » défraie la chronique en Occident. Ce concept est absurde parce qu’il est construit sur une dénégation. On ne sait pas ce que le remplacement auquel il est fait allusion a de grand. Il fallait certes un qualificatif et on en a pris un faux pour cacher le vrai. Si l’immigration est un remplacement, il n’a rien de grand. Dans l’idée délirante qui est en jeu ici et qui charrie une inquiétude fort compréhensible, ce n’est pas la grandeur du remplacement mais sa nouveauté qui fait problème. Or qui dit nouveau – nouveauté que l’on dénie pour le substituer à une grandeur trompeuse – dit ancien. Or donc il y a déjà eu dans l’histoire des remplacements, que les racistes occidentaux cachent habilement ou dénient parce qu’ils ne sont pas moralement glorieux. En effet, contrairement au remplacement fantasmatique et délirant qu’ils baptisent « grand remplacement », les anciens remplacements étaient des remplacements de sang, de sueur et de larme..
Ces anciens remplacements que les racistes dénient en parlant de grand remplacement au lieu de néo-remplacement ont eu lieu dans les Amériques, où l’Indien exterminé a été remplacé par le Blanc ; il a eu lieu en Australie où l’aborigène exterminé a été remplacé par l’Européen. Il a déjà eu lieu en Afrique noire où les Noirs sur plus d‘un millénaire ont été capturés par les Arabes dans un premier temps et les Européens dans un second vers les pays du Moyen-Orient et l’Asie pour les uns et pendant quatre siècles vers les Amériques pour les autres.
Le grand remplacement a déjà eu lieu dans l’Afrique australe où les Blancs pour occuper l’espace ont rougi les fleuves et les rivières du sang des Noirs ; il a déjà eu lieu lorsque cette minorité blanche en quête de suprématie illusoire est allée jusqu’à mettre en place une politique d’extermination subtile, en empoisonnant la boisson des Noirs ou en répandant parmi eux des vecteurs de maladies mortelles ou des substances toxiques pour stériliser les populations.
En vérité, face aux zémourrinades qui font fureur actuellement en France pour diviser la droite et faire un boulevard à la violence de classe insensée de Macron, il faut dire haut et fort que le Grand remplacement a déjà eu lieu ; qu’il ne pourrait y avoir de plus grand remplacement que ceux subis par ceux que depuis des siècles l’Occident a réduits au rang d’animaux, et qu’il menace actuellement avec le Covid et son cortège hallucinant de vaccinations suspectes.
Aminou Balogun
