
A l’occasion de la Journée internationale de la langue maternelle, les Nations Unies appellent à soutenir leur usage à l’école et au quotidien.
En Afrique, le Multilinguisme, une Réalité Contrastée
Le nombre de langues parlées en Afrique va de 1 000 à 2 500, selon les estimations et les définitions. Les États monolingues n’existent pas et les langues traversent les frontières sous forme de configurations et de combinaisons différentes. Le nombre de langues varie entre deux et trois au Burundi et au Rwanda, à plus de 400 au Nigeria. La réalité sous-jacente de chaque contexte multilingue est complexe, spécifique et changeante : près de la moitié (48 %) des pays d’Afrique sub-saharienne ont une langue africaine parlée par plus de 50 % de la population en tant que langue maternelle. En comptant les locuteurs d’une langue secondaire, que ces derniers maîtrisent parfois aussi bien qu’une langue maternelle, la proportion de ces pays s’élève à plus des deux tiers (67 %). Seize des langues transfrontalières de l’Afrique ont plus de 150 millions de locuteurs.
En dehors du secteur éducatif, au moins 56 langues africaines sont utilisées dans l’administration et au moins 63 sont utilisées dans le système judiciaire (26 nations sub-sahariennes autorisent les langues africaines dans la législation). Au moins 66 langues africaines sont utilisées dans les communications commerciales écrites, et au moins 242 dans les médias.
En résumé, l’existence d’un tel nombre de langues au sein d’un même pays et leur droit de survivre mais aussi de se développer constitue une question importante qui doit être prise en compte indépendamment des catégories auxquelles elles appartiennent. Cette diversité est en soi perçue comme un problème inhérent aux questions de communication, de gouvernement et d’éducation. Cette multiplicité est considérée comme une barrière à la communication et comme synonyme de conflits et de tensions. La gestion d’un aussi grand nombre de communautés linguistiques serait supposément problématique et coûteuse. L’histoire coloniale, l’émergence de la mondialisation, ainsi que la proximité et le rapprochement entre les peuples et les communautés ont permis à certaines langues d’occuper le devant de la scène et de maximiser leur potentiel de « médiateur » entre de nombreuses langues locales. Cela a abouti à asseoir le statut et le prestige des langues métropolitaines coloniales – et à éliminer les langues africaines, notamment dans l’éducation – en tant que sésame de l’éducation supérieure et de la participation au développement et à la création de savoir.
Selon l’étude sur les langues internationales commandée par l’UNESCO (Gadelii, 2004), seules 176 langues africaines sont utilisées dans les systèmes d’éducation africains, principalement dans l’éducation de base : 87 % des langues d’enseignement dans les programmes d’alphabétisation des adultes et d’éducation non formelle sont des langues africaines ; entre 70 et 75 % des langues d’enseignement dans les maternelles et les crèches, ainsi que dans les premières années d’école élémentaires sont africaines.
Après l’éducation de base, seulement 25 % des langues utilisées dans l’éducation secondaire et 5 % des langues utilisées dans l’éducation supérieure sont africaines. Bien que la plupart des systèmes d’éducation africains privilégient l’utilisation des langues internationales, les estimations indiquent que seuls 10 à 15 % de la population de la plupart des pays africains parlent ces langues couramment. Néanmoins, ces langues, outre qu’elles ont un poids considérable dans la gouvernance, dominent les systèmes éducatifs, ce qui entraîne un grave fossé de communication entre le système d’éducation formel et son environnement social.
Alan Basilegpo
