
La France est une nation pondeuse de beaux discours. C’est probablement sa plus grande spécialité. Mais, souvent, entre ses beaux discours et ses actes, il y a un fossé plus profond et large que celui qui sépare le jour et la nuit. Par exemple, on a du mal a mettre sur le même plan l’image de pays des droits de l’homme qu’elle se donne, pays de l’Amour, de l’Art, de la Beauté, de l’art culinaire, du bien vivre, etc et le pays qui cependant est l’un des plus grands organisateurs et bénéficiaires de la traite négrière et de l’esclavage des Noirs ; l’un des plus grands organisateurs et bénéficiaires du colonialisme ; l’un des plus grands organisateurs et bénéficiaires du néocolonialisme. D’un point de vue interne à l’histoire et à la société française elles-mêmes, on a du mal à concilier les beaux discours de la France et ses actes. Par exemple, comment la Révolution française qui se voulait un grand moment de libération n’a eu rien de concret dans sa hotte pour les esclaves Noirs ? Comment un pays des droits de l’homme peut-il succomber pendant la seconde guerre mondiale au démon du nazisme et faire quantité négligeable du sort de ses citoyens juifs sacrifiés sur l’autel de la collaboration ?
Cette tension est très caractéristique du discours que la France se raconte à elle-même et au monde. C’est dans cet ordre d’idées qu’il faut prendre et comprendre les prises de position de ses dirigeants. Par exemple un Macron qui se dit jeune président et qui à ce titre, devrait être plus sensible au cri de libération de la jeunesse africaine, n’est en définitive pas moins perfide dans son rapport à l’Afrique que ne le furent ses prédécesseurs qui, chacun avec son style et à sa manière, ont œuvré à maintenir l’Afrique dans les fers du colonialisme, entre assassinats, guerres, génocides coups d’Etat, franc CFA, et corruptions en tous genres.

Parmi les Présidents porte-drapeau et contributeurs actifs à cette image du pays des beaux discours dans laquelle le France s’illustre figure incontestablement Monsieur Nicolas Sarkozy. Chez l’homme de droite qu’il est, le beau discours a une fonction de compensation éthique qui fournit la garantie d’un supplément d’âme, en même temps qu’il sert de masque aux crimes les plus atroces qu’il commet crapuleusement par ailleurs. A cet égard, la thématique la plus en vue et dotée d’un mieux disant éthique est celle de l’écologie et de la lutte contre le réchauffement climatique.
Déjà en 2007 quelques mois après son accession au pouvoir, Monsieur Sarkozy se fendait d’un beau discours sur le thème du réchauffement climatique. Le 25 septembre 2007, il a appelé les Nations Unies à fonder un « nouvel ordre mondial », un « New Deal écologique et économique », en lui confiant notamment la tâche de mieux répartir les profits des matières premières, de la technologie et de moraliser le capitalisme financier. « Dans ce monde où le sort de chacun dépend de plus en plus de celui des autres, l’ONU ne doit pas être affaiblie mais renforcée. Sa réforme pour l’adapter aux réalités du monde d’aujourd’hui est une priorité pour la France. Nous n’avons plus le temps d’attendre« , a déclaré Nicolas Sarkozy lors du débat de haut niveau de l’Assemblée générale.
Nicolas Sarkozy a notamment appelé tous les Etats à se réunir pour fonder le nouvel ordre mondial du XXIème siècle sur l’idée que les biens communs de l’humanité doivent être placés sous la responsabilité de l’humanité tout entière.
Or, pendant qu’il tenait ce beau discours, Sarkozy était à la tête de la Françafrique qui opprime les Africains francophones, organise le vol et le pillage de leurs ressources humaines et matérielles, leur impose l’arnaque du Franc CFA ; il continuait la guerre contre Gbagbo commencée par Chirac, guerre qu’il parachèvera avec l’intronisation du ludion Ouattara. C’est aussi le même Sarkozy, croisé de la répartition égalitaire des matières premières, qui contribuera à la chute et à l’assassinat de Kadhafi, un homme dont le credo était le droit des Africains à plus d’égalité et plus de justice dans l’exploitation de leurs matières premières.
Une décennie après, alors qu’il n’était plus à la tête de la France, Sarkozy peaufinera ce discours pseudo-écologique pour l’adapter aux préoccupations de fond qui hante l’âme occidentale : celles de la démographie, dans un Occident en perte de vitesse sur le terrain de la natalité. A l’université d’été du Medef, le 4 septembre 2019, l’ancien chef de l’Etat ira jusqu’à se dédire dans la surenchère en jugeant que « le plus grand choc mondial » n’était pas le réchauffement climatique mais l’augmentation de la population, « première source de pollution ». A l’en croire, « Vouloir promouvoir le développement durable sans poser la question de l’explosion de la démographie mondiale, ça n’a aucun sens.»
Mais cette dramatisation n’est pas de l’avis des climatologues qui jugent l’analyse de l’ex-président biaisée. Et ce pour plusieurs raisons :
1. Ce « choc démographique » pointé par Nicolas Sarkozy, serait plutôt passé que futur.
« Le gros de la croissance démographique est derrière nous », assure Gilles Pison, professeur au Muséum national d’histoire naturelle. «La croissance démographique mondiale a atteint son maximum il y a cinquante ans, elle était alors de plus de 2% par an. Aujourd’hui, elle a diminué de moitié, à 1,1%. Et elle devrait continuer de baisser, avec la chute du taux de fécondité », poursuit le chercheur.
2. Il s’agit d’un « raccourci » trompeur entre hausses de la démographie et de la pollution
La Chine et l’Inde sont les deux pays les plus peuplés de la planète : ils représentaient respectivement 19% et 18% de la population mondiale en 2017, selon l’ONU. Chine et Inde se classent première et troisième au palmarès des plus grandes nations pollueuses, avec 9,8 et 2,5 milliards de tonnes de CO2, le principal gaz à effet de serre, émises en 2017. Les Etats-Unis occupent la deuxième marche du podium, d’après le Global Carbon Atlas. Mais si l’on ramène ces émissions de CO2 au nombre d’habitants, Chinois et Indiens ne sont plus que les 52es et 133es plus gros pollueurs mondiaux. Loin derrière les Qataris, Koweïtiens, Emiratis, Saoudiens, Américains et Australiens, qui monopolisent les premières places du classement, avec entre 49 et 16 tonnes de CO2 émises par individu.
D’une manière générale, Nicolas Sarkozy fait, un raccourci très répandu (y compris dans le milieu scientifique) qui consiste à faire un lien direct et mécanique entre l’augmentation de la population mondiale et les émissions.
Si la démographie est une composante importante de l’empreinte carbone », comme le confirme Gilles Ramstein, climatologue au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement, « la croissance démographique n’explique qu’une faible partie des émissions globales de carbone », affirme le chercheur, en s’appuyant sur un rapport de la Commission européenne sur les émissions de CO2 dans le monde en 2018. Le climatologue en veut pour preuves trois cas de figure.
Premier exemple : « La Chine a vu ses émissions fortement augmenter, non pas à cause de l’augmentation de sa population, mais à cause de la croissance économique et de l’expansion des grandes villes qui ont fait exploser les émissions par habitant. »
Deuxième exemple : « Un pays comme le Nigeria, qui a une très forte croissance démographique mais une population très pauvre, a des émissions qui augmentent très peu. »
Troisième exemple : « Des pays comme la France et les Etats-Unis ont une population stabilisée depuis un moment et auraient donc dû connaître un déclin de leurs émissions, ce qui n’est pas le cas. »
En outre, « la hausse de la démographie concerne surtout des pays dont les émissions de gaz à effet de serre sont encore très faibles », relève Céline Guivarch, économiste au Centre international de recherche sur l’environnement et le développement (Cired) et directrice de recherche à l’Ecole des Ponts ParisTech. A l’inverse, « les pays qui ont l’empreinte carbone la plus importante ne sont pas ceux dont la population augmente le plus », note Gilles Ramstein.
3. Il s’agit d’une « manipulation » qui cache d’autres enjeux
D’abord parce que « C’est le mode de développement plutôt que la démographie qui est la clé », confirme le climatologue Jean Jouzel. « Jusqu’à aujourd’hui, ce sont bien nos modes de vie occidentaux qui ont été principalement responsables de l’accumulation de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, et non la croissance démographique », souligne Céline Guivarch. « Ce n’est pas la multiplication de la population qui met en danger la planète et l’humanité, c’est le mode de développement d’une minorité de la population, celle des pays riches et développés, qui consomme à outrance », renchérit Gilles Ramstein. Or « il est possible d’agir sur notre mode vie, en le rendant plus économe en ressources », renchérit Gilles Pison, qui l’assure : « La survie de l’espèce en dépend. »
D’autre part, il faut tenir compte du fait que le discours de Sarkozy loin d’être adressé à la Chine ou à l’Inde est un discours de bouc-émissarisation à l‘adresse de l’Afrique noire, perçue comme le lieu par excellence de la frénésie démographique sans rime ni raison. Mais au-delà des préjugés ethnocentristes dans laquelle se complaisent l’Occident, et plus particulièrement l’idéologie de droite xénophobe dont relève M. Sarkozy, il y a un holdup démographique de l’Occident sur l’Afrique. La démographie, ces dernières décennies, a fonctionné comme un puissant révélateur de la situation de pillage et de domination économique de l’Afrique par l’Occident en général, mais surtout par les puissances coloniales européennes au premier rang desquelles se trouve la France. Les épisodes de naufrage en Méditerranée d’une jeunesse africaine fuyant la misère imposée par la situation néocoloniale ont tôt fait d’apparaître comme l’expression du trop plein d’une démographie en déphasage avec les conditions économiques requises pour une vie humaine décente. La démographie devenait ainsi non seulement le porte-parole de la misère de l’Afrique mais pointait du doigt l’origine de cette misère. Et c’est cette révélation qui gêne la France et Sarkozy. On sait que l’Italie a pris position par rapport aux flux migratoires transméditerranéens en accusant la France d’asphyxier les Africains. Une polémique qui a tendu les relations entre les deux pays frères européens, mais qui a été vite étouffée au nom de l’intérêt supérieur de la race.
L’autre aspect du problème se situe dans le prolongement du précédent. En effet, plus qu’un révélateur de sa condition d’opprimée par l’Occident, la démographie en Afrique apparaît aussi comme une défense contre cette oppression. En effet, la propension a s’accaparer des richesses de l’Afrique ne pourra pas s’accommoder avec le temps long d’une croissance démographique. S’il est plus facile de s’accaparer de 99% des ressources d’une population de 100 habitants, l’exercice devient plus difficile lorsque cette population passe à 1000 voire à 10.000 et est jeune, exigeante et dynamique. Tel est le souci de la France, et notamment de Sarkozy lorsque sous le couvert trompeur de préoccupations écologiques, il charge la démographie de tous les maux du monde.
En cette période où le Covid et la vaccination qui semble pour l’occident la seule manière d’enrayer le fléau, focalisent toutes les attentions vers les institutions comme l’OMS et les bonnes volontés vaccinales à l’égard de l’Afrique, grande est la crainte qu’ils ne soient le prétexte à des actions de stérilisation sélectives et racistes, une sorte de solution finale qui, en raison des exemples édifiants du passé, n’est pas seulement une vue de l’esprit complotiste. Manière en quelque sorte d’inaugurer le cap du nouvel ordre mondial que Sarkozy appelait de tous ses vœux, et dont il a prévenu les uns et les autres qu’il sera atteint de gré ou de force.
Adenifuja Bolaji

Sarkozy prétend tirer la sonnette d’alarme sur l’invasion de l’Europe par les vagues migratoires qui, selon lui ne sont qu’à leur début. Son raisonnement est très inquiétant et préoccupant. Il raisonne comme si dans les prochaines décennies les choses devraient rester en l’Etat en ce qui concerne la condition des Africains. C’est-à-dire que ceux-ci continueront à rester pauvres, hantés par la misère et ne cherchant qu’à aller vers l’Europe pour trouver de quoi survivre. Il met en garde contre l’invasion des vagues migratoires sans faire l’hypothèse d’une Afrique enfin à même de se prendre en mains et qui devienne une terre de confiance pour elle-même. Pense-t-il que les Africains qui se ruent vers la France y viennent pour contempler la Seine ou se promener sur les Champs-Elysées toute leur vie ? Non, les Africains se ruent vers l’Occident parce que des pays comme la France, à coup de guerres, de coups d’Etat, de dictateurs, de Franc CFA, leur imposent la misère, refusent qu’ils se développent, les asphyxient littéralement. On ne peut pas frapper un enfant et lui interdire de pleurer. Donc le raisonnement de Sarkozy cache une mauvaise foi et une hypocrisie rance. La solution de l’arrêt de l’immigration des Africains vers l’Occident n’est pas dans la baisse de la démographie mais dans le fait pour des pays comme la France de desserrer l’étau qu’ils exercent depuis des siècles sur la gorge des pays africains. On ne peut pas raisonner comme si cet étau était une seconde nature, une chose innée qui ne changera pas. Si les Occidentaux ont peur de l’immigration massive comme l’exprime Sarkozy, eh bien qu’ils commencent déjà per mettre fin au colonialisme qui étouffe l’Afrique !