A n’en pas douter, l’Afrique est hopeless comme le disent les Anglais ; et le Nigeria le plus gros pays du continent en est révélateur.
Un exemple qui étaie ce propos : depuis son indépendance jusqu’à très récemment, le Nigeria n’a jamais été démocratiquement dirigé par un président issu des minorités de la zone du Delta du Niger source du pétrole qui fournit de loin la plus grosse part du PIB du pays. Bien entendu ce n’est que le préambule de l’exemple. Pour aller au fond des choses, disons que la logique qui veut qu’en Afrique les régions pourvoyeuses de ressources vitales pour les états soient les laissées pour compte a fonctionné à fond et de manière presque caricaturale au Nigeria. En effet, jusqu’à aujourd’hui, la zone du delta du Niger est la plus pauvre du Sud du pays, et les Dangote, les Adenuga, les Otedola, les Alakija ou les Danjuma, pour ne citer que les cinq plus grosses fortunes du Nigeria n’en sont pas des ressortissants.
Quand enfin la providence a voulu qu’en la personne de Jonathan un ressortissant du Delta du Niger arrive au pouvoir, on pensait que la logique de spoliation qui a longtemps appauvri la région et tout le pays allait enfin s’arrêter. Mais Jonathan et sa bande ont fait un raisonnement d’une idiotie inattendue et pour le moins renversante. A mille lieues de tout patriotisme et d’un esprit de commisération communautaire, le raisonnement consiste à se dire : « depuis que le Nigeria existe nous autres du Delta du Niger, nous n’avons jamais pu avoir notre part du gâteau ; maintenant c’est à notre tour d’en profiter ! » Et sans autre forme de procès, ils s’en sont mis plein les poches et les bajoues. Malheureusement, comme toujours, ce que les hommes politiques ou autoproclamés tels ignorent c’est qu’il y a une grande différence entre la minorité de voleurs au pouvoir et ceux au nom desquels ils prétendent parler – qu’ils soient du Nord, du Sud, de l’Est ou de l’Ouest.
Au moment où les Jonathan, les Alison-Madueke, les Akpabio, les Amaechi, pour ne citer que les stars visibles, s’empiffraient de millions de dollars, les peuples, les vrais peuples du Delta du Niger s’enfonçaient inexorablement dans le marais de la pauvreté endémique d’où ils étaient censés être sauvés par leurs congénères.
Quand Buhari le Nordiste est arrivé au pouvoir en 2015, il a voulu faire mentir la fatalité de la logique des laissés pour compte ne serait-ce que pour rendre moins visible l’injustice de la spoliation. Buhari voulait sans doute apporter comme une correction rétrospective à la paralysie du devoir de réserve qui a toujours porté les dirigeants sudistes, une fois au pouvoir, à se préoccuper moins de leur propre région que du Nord au nom d’une bienveillance nationale rarement payée de retour. C’est cette volonté de correction qui a conduit Buhari à redonner vie et vigueur à la Commission de Développement du Delta du Niger, créée par Obasanjo et qui sous Jonathan avait été mise en veilleuse. Des moyens conséquents ont été donnés à cette commission entièrement gérée par les fils et filles du Delta du Niger. Mais en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, la même logique de corruption, basée sur le même raisonnement éculé du « tour d’avoir sa part du gâteau » a repris ses droits, avec pour domaine de validité le cœur même du Delta du Niger.
Parce qu’ils estimaient aveuglément que c’était leur tour d’avoir leur part du gâteau, parce que, à l’instar des voleurs qui les ont précédés et qu’ils ont érigés en modèles, ils tenaient coûte que coûte à avoir qui une propriété à Dubaï, qui une écurie de voitures de luxe, qui des comptes dans les paradis fiscaux, si ce n’était tout cela à la fois, les fils et filles du Delta, sans états d’âme se sont mis à détourner l’argent qui devait être consacré au développement de leur terroir sinistré ! Résultat des courses plus de 70% de l’argent qui devait servir à redresser économiquement, socialement, et écologiquement le Delta du Niger, le pays pour lequel Ken Saro Wiwa est mort, ont disparu dans des poches privées ! A servir au sport préféré de la classe politique corrompue du pays, s’acheter des propriétés à Dubaï ou dans d’autres capitales huppées du monde, posséder des voitures de luxe, et boire du champagne du matin au soir pendant que le peuple ne peut même pas boire de l’eau, et meurt de faim et de maladies diverses : cruauté et égoïsme qui ne sont pas sans rappeler celles qui ont présidé à la traite négrière où jadis comme là le Noir trahit son manque de pitié profond envers son semblable Noir
Qui sauvera le Delta du Niger si les gens du Delta du Niger ne le veulent pas ? Qui sauvera le Nigeria si les politiques préfèrent voler l’argent public plutôt que de construire leur pays ?Qui sauvera l’Afrique de sa maladie mentale et infantile qui dure depuis des siècles ?
Adenifuja Bolaji