Sommes-nous Seuls dans l’Univers?

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Avant la découverte de 51 Pegasi b, en 1995, nous ne connaissions aucune planète en orbite autour d’une autre étoile semblable au Soleil. À peine 16 ans plus tard, 570 planètes environ ont été caractérisées, et plus de 1 500 candidates proposées. Le rythme des découvertes d’exoplanètes s’est accéléré depuis le lancement du satellite européen corot, en 2006, et, surtout, de la mission Kepler de la nasa, en 2009.

Les astrophysiciens ne sont pas les seuls à se passionner pour ces découvertes. Le public s’intéresse beaucoup aux planètes extrasolaires et à la possibilité qu’elles abritent la vie, voire des formes de vie intelligente. En 2010, la Société royale de Londres a parrainé un symposium intitulé « La détection de la vie extraterrestre et ses conséquences pour la science et la société ». Les participants observaient que « s’il se révélait que nous ne sommes pas seuls dans l’Univers, cela bouleverserait la représentation que l’humanité se fait d’elle-même ».

La plupart des gens pensent que nous ne sommes pas seuls dans l’Univers. Certains analystes expliquent que le public veut croire aux extraterrestres car « ils viendraient de sociétés utopiques qui ne connaissent ni la guerre, ni la mort, ni la maladie » et qu’ils « pourraient aider l’humanité à surmonter ses problèmes ».

Les scientifiques eux-mêmes encouragent parfois cette vision sensationnaliste. L’astronome Ray Jayawardhana écrivait ainsi en 2010 dans le New York Times que les gens ne devraient pas s’inquiéter de « la vie extraterrestre, surtout si elle maîtrise une technologie susceptible de nous faire sentir tout petits et insignifiants ». Mais ce scénario de science-fiction pourrait au contraire déresponsabiliser les gens et les rendre désinvoltes à l’égard d’autrui ou de notre planète !

L’étude des planètes extrasolaires (ou exoplanètes) apporte les premiers éléments concrets pour réévaluer l’hypothèse répandue selon laquelle la vie intelligente existe ailleurs dans l’Univers. Un raisonnement courant est que, puisque les exoplanètes sont légion, les civilisations extraterrestres doivent être nombreuses. Pourtant, l’un n’entraîne pas l’autre. Je pense pour ma part que ces données renforcent au contraire l’idée qu’il est très improbable qu’une civilisation extraterrestre plus ou moins semblable à la nôtre existe, du moins dans l’Univers proche.

Il serait ainsi plus pertinent de réfléchir à la place de l’humanité en la considérant comme une espèce rare et précieuse dans l’Univers, ni négligeable ni cosmiquement insignifiante.

La vie – et en particulier la vie intelligente, pas juste des micro-organismes – devrait être omniprésente dans un univers aussi vaste et riche que le nôtre. Cet univers est sans doute rempli de planètes rocheuses (ou telluriques) abritant la vie. Peut-être même les êtres intelligents sont-ils le produit inévitable de la vie et de l’évolution. Telle est en tout cas la position classique, illustrée par Percival Lowell, astronome et fervent défenseur des canaux martiens, qui écrivait en 1908 : « Nous savons que la vie est une phase de l’évolution planétaire aussi inévitable que le quartz, le feldspath ou le sol azoté. Les uns comme les autres ne sont que les manifestations d’affinités chimiques. »

Nous savons aujourd’hui que les canaux de Mars n’étaient que des chimères. En 1993, dans l’ouvrage The Search for Life in the Universe (La recherche de la vie dans l’Univers), Donald Goldsmith et Tobias Owen présentaient cependant une vision moderne de la même idée : « Nous prévoyons que tous les systèmes planétaires sont dotés d’un groupe de planètes intérieures rocheuses, avec des atmosphères engendrées par le dégazage et l’érosion, pour les mêmes raisons que [dans le Système solaire]. À en juger par notre propre exemple, il y a de bonnes chances pour que l’une de ces planètes intérieures soit en orbite autour de son étoile à la « bonne » distance […]. Nous estimons cette proportion à une sur deux au moins. »

Seuls… en pratique

Aujourd’hui, cette vision semble elle aussi obsolète. La principale leçon de l’étude des planètes extrasolaires est en effet qu’il existe une incroyable diversité de systèmes planétaires, avec un éventail d’environnements bien plus vaste qu’on ne l’imaginait. Une cinquantaine de planètes de moins de 25 masses terrestres ont été détectées à ce jour. Les planètes de la taille de la Terre, susceptibles d’abriter de l’eau liquide et une atmosphère propice à la vie, se situent encore au-dessous du seuil de détection des instruments actuels ; mais d’ici quelques années, il est raisonnable de penser qu’on en découvrira quelques-unes. On s’apercevra alors peut-être que notre Système solaire est représentatif de la moyenne. Toutefois, nous savons d’ores et déjà que certains systèmes planétaires n’ont rien à voir avec le nôtre. En attendant, ces résultats nous permettent de perfectionner les modèles de formation planétaire, et de mieux comprendre les planètes en général.
Avant d’aller plus loin, clarifions deux points. Tout d’abord, seule l’existence d’êtres intelligents m’importe dans cet article. Il n’est pas encore exclu que nous découvrions des formes de vie primitive sur Mars, voire des formes de vie pluricellulaire sur des planètes extrasolaires proches. Ces découvertes seraient assurément révolutionnaires et nous éclaireraient sur l’apparition et l’évolution de la vie sur Terre. Mais faute d’une  espèce douée de pensée consciente et apte à communiquer, nous serons toujours seuls dans l’Univers, sans personne avec qui interagir La vie intelligente signifie ici capable de communiquer d’une étoile à une autre ; cela implique la maîtrise d’une technologie équivalente à celle de la radio. À l’aune de cette définition, notre civilisation n’a qu’une centaine d’années. Si la vie intelligente est fréquente dans un Univers âgé de 13,7 milliards d’années, alors nous en sommes l’une des formes les plus jeunes ! Cependant, comme le soulignait le physicien italien Enrico Fermi dans son célèbre « paradoxe », la vie intelligente ne doit pas être monnaie courante dans l’Univers, sinon, pourquoi n’en avons-nous jamais découvert ?

Le second point découle de deux caractéristiques de notre monde qui étaient inconnues au début du xxe siècle. D’une part, aucun signal ne peut dépasser la vitesse finie de la lumière. D’autre part, l’Univers est en expansion : les galaxies s’éloignent de nous, et ce d’autant plus vite qu’elles sont distantes.
Cela devrait refroidir l’enthousiasme de certains physiciens qui avancent que dans un univers infini ou dans des univers multiples, même si la vie intelligente est rare, elle existe quelque part, car tout scénario, même extrêmement peu probable, est réalisé.
Cette hypothèse est en effet intéressante, mais inopérante en pratique.
L’Univers est peut-être infini, mais nous ne pouvons pas recevoir d’information de la plus grande partie de ce monde : notre vision se limite à l’horizon cosmique, c’est-à-dire la distance qu’a pu parcourir la lumière depuis le Big Bang. Cet horizon s’élargit avec le temps, mais attendre n’arrangera rien, car avec l’expansion cosmique, les galaxies reculées s’éloignent plus vite que l’horizon ne s’étend. Pour ce qui est d’envoyer des messages, la situation est encore pire ; la lumière envoyée aujourd’hui de la Terre ne pourra jamais atteindre des galaxies dont la lumière a mis dix milliards d’années pour nous parvenir. Ces galaxies s’éloignent de plus en plus rapidement et sont à jamais hors d’atteinte.

La vitesse finie de la lumière pose aussi des limites pratiques pour les étoiles plus proches. La plupart des étoiles de la Voie lactée, et leurs milliards de planètes présumées, se trouvent à plusieurs dizaines de milliers d’années-lumière. Il faudrait donc autant d’années avant que des extraterrestres reçoivent nos signaux, et encore le même temps pour recevoir une réponse.

La vie en équation

Nous n’avons pas besoin d’attendre aussi longtemps pour nous sentir seuls…

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