Dans une grande fresque sur le développement des inégalités de la préhistoire à nos jours, l’historien Walter Scheidel soutient que seule la violence a pu rendre les sociétés plus égalitaires. Une étude érudite mais limitée aux seules inégalités économiques et à un ou deux indicateurs par trop simplistes.
Le succès de l’ouvrage de Thomas Piketty, sorti en 2013 a contribué à faire des inégalités économiques une des questions brûlantes de ce début de XXIe siècle, à l’aune de laquelle sont commentés les événements du monde, comme, récemment, l’élection de Donald Trump à la Maison Blanche ou le vote du Brexit par le Royaume-Uni. Les nombreux travaux sur le sujet mettent en évidence l’accroissement des inégalités durant les dernières décennies sans toutefois offrir beaucoup de remèdes. Ce livre se propose de chercher dans l’histoire les solutions à l’augmentation des inégalités ou, plus précisément, de situer les moments où elles ont diminué. Pour cela, Walter Scheidel, historien de l’antiquité à l’université de Stanford, n’a aucun mal à remonter très loin dans le temps aussi bien en amont de son domaine de spécialité – l’histoire de l’Empire romain – qu’au-delà pour écrire une histoire des inégalités de la préhistoire à l’Europe du XXIe siècle en passant par la Chine des Tang ou la Russie de la révolution d’Octobre.
Comme l’affirme immédiatement le titre, la thèse principale de l’auteur est que seule la violence a permis, historiquement, de réduire les inégalités. L’argument central de l’ouvrage peut ainsi être aisément résumé : les inégalités économiques sont toujours – c’est-à-dire de tout temps et en tout lieu – considérables et seuls des bouleversements massifs et violents de l’ordre établi (« massive and violent disruptions of the established order », p. 443) peuvent les faire diminuer, le plus souvent temporairement. L’ouvrage détaille ces chocs classés en quatre groupes – la guerre de masse, la révolution, l’effondrement d’un État ou les pandémies meurtrières – par analogie avec les quatre cavaliers de l’apocalypse, qui deviennent, sous la plume de Scheidel, les quatre cavaliers du nivellement (« the Four Horsemen of Leveling »).
Les inégalités économiques, des grands singes à nos jours
Le livre se présente comme une vaste synthèse du savoir actuel sur les inégalités et, sans apporter de données ou d’analyses nouvelles, s’appuie sur la présentation et la discussion de centaines d’articles et d’ouvrages portant sur les inégalités – abordées ici exclusivement sous leur angle économique – à travers l’histoire. L’assemblage de ces travaux, soigneusement présentés, judicieusement analysés et mis en regard les uns avec les autres, est assurément l’apport principal de l’ouvrage.