Bénin : Quand Jérôme Carlos Fait Toboula Rasa de l’Atlantique

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« L’Atlantique est le département le plus peuplé de notre pays », écrit le célèbre chroniqueur Carlos, qui ajoute : « ses dimensions se confondent avec celles de la commune de Cotonou. »

Au préalable, à l’instar de ses semblables lettrés, il venait de nous ébaubir avec les citations d’un auteur français éculé, Marcel Pagnol, et d’un autre un peu moins français quoique latin, Érasme. Ah, quelle culture était-t-on censé s’exclamer dans un soupir d’admiration. Même si à l’instar de ses semblables assaillants intellectuels de notre landerneau médiatique au relent fortement néocolonial, la culture, la pensée, la référence intellectuelle et/ou littéraire restent enfermées dans le seul écrin français, à l’exclusion des autres horizons, pourtant divers et variés de la connaissance : américain, allemand, anglais, chinois, russe, japonais, etc… Pour nos brillants locaux, le prisme français, cette œillère aliénée et aliénante, ses reliques et icônes sont les saints et sein de notre savoir. Victor Hugo, Racine, Molière, La Fontaine, Sully-Prudhomme, etc. ces auteurs héros de nos récitations d’enfance, sont érigés en massues avec lesquelles, ils nous assomment subtilement sans demander leur reste. — que ces restes soient allemands, anglais, ou japonais ; qu’ils s’appellent, Shakespeare, Swift, Defoe,  Faust, Hemingway, Dostoïevski, Lu Xun, Soseki, Tanizaki ou Kawabata : peu leur chaut ! Et la fixation aveugle à la référence française, va de pair avec sa situation historique, comme si, la culture française si vivante et dynamique n’avait pas bougé depuis des siècles immémoriaux.

Mais trêve de critique : nul n’a le monopole de l’aliénation culturelle et intellectuelle sous nos cieux africains colonisés  ; surtout pas chez les pauvres francophones, et Béninois que nous sommes qui nous gargarisons volontiers de notre urbanité intellectuelle acquise de Quartier Latin de l’Afrique.

Loin de nous appesantir sur le procès en aliénation intellectuelle, qui est la chose la mieux partagée parmi les lettrés historiquement extravertis que nous sommes, revenons à la source de notre étonnement, celle qui nous fit tiquer, sursauter et donner de la voix. Sous la plume d’un vieux journaliste et écrivain de la trempe de Jérôme Carlos, avons-nous bien lu que les dimensions du département de l’Atlantique se confondent avec celles de la commune de Cotonou ? Est-ce bien raisonnable ? L’Atlantique est le département le plus peuplé du Bénin, écrit-il, soit. Mais comment passe-t-on du département du Littoral à celui de l’Atlantique sans solution de continuité ? Sacrifier au rituel de mystification intellectuelle par invocation des figures éculées de la littérature française, nous donne-t-il le droit d’étaler tant de méconnaissance de la géographie élémentaire de notre propre pays ? Surtout de la part d’un vieux journaliste et homme de média, lauréat conjoint d’un prix de l’excellence avec le candidat Lionel Zinsou à la veille des folles élections présidentielles de 2016…  Quand on pense que si l’aigle Lionel Zinsou qui, venu des horizons hostiles de la Françafrique, avait hanté le ciel électoral de notre pays était devenu Président de la République, ce Carlos aurait pu devenir Ministre de l’Information ou de l’Éducation, on a des sueurs froides de voir qu’une telle lumière si prompte à citer Victor Hugo, Mallarmé ou je ne sais quel Marcel Pagnol, égarerait la jeunesse sur les connaissances élémentaires de notre propre pays ! Omashéo– pitié- comme le disent les Yoruba.

Et pourtant les connaissances, c’est comme la charité ; bien ordonnées, elles commencent par soi-même. Comment traduire dans la langue de Pagnol cette phrase : « Knowledge, like charity, should begin at home… » ?

 Binason Avèkes

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