
L’incompétence, au sens où le mot fait polémique actuellement au Bénin, par définition, est le manque de connaissance ou d’habileté à faire quelque chose.
Il s’agit donc d’une tare liée aux connaissances dans leur rapport avec la pratique sociale. De ce point de vue, et dans la mesure où son effet social à un impact négatif, l’incompétence peut être analysée selon une grille qui interroge son étiologie dans ses dimensions historique, politique, culturelle et éthique. Il en ressort trois types de sources d’incompétence.
- Il y a la perversion par la politique, que le régime de M. Yayi a portée à son comble en agissant comme une machine à nommer à tort et à travers ; nominations qui se font en dépit du bon sens, sans états d’âme sur la base de critères étrangers à la compétence – ethniques, partisans, népotistes. Il s’agit d’une promotion aveugle et autoritaire de la médiocrité.
- Il y a le culte exhibitionniste du diplôme considéré comme fin en soi, et preuve suffisante. Il est le fait de gens qui se voient affublés de diplômes supérieurs ( Docteur, Maître, Professeur, etc.) et dont l’activité essentielle se limite à l’autoglorification académique. Véritables tonneaux vides, ces gens pensent que les titres qu’ils affichent sans nécessité – par exemple lorsque titulaire d’un doctorat en économie, on n’hésite pas à abuser de la particule de Docteur traditionnellement réservée aux médecins – remplaceront les qualités essentielles dont ils sont dépourvus. La qualité de leur titre est inversement proportionnelle à leur savoir réel, à leurs acquis, à leur compétence. Certains ont triché pour se hisser à ce haut niveau après un parcours douteux, d’autres ont usurpé des titres. Bref ce sont des diplômés parvenus, pour la plupart experts en faux et usage de faux. Parmi cette espèce, il n’est pas rare qu’un soi-disant Docteur en économie soit à peine bon pour tenir la chandelle à un Européen ou un Japonais licencié en économie.
- Il y a enfin le singe savant, qui correspond en grande partie à ce qui fait la réputation des Béninois depuis l’époque coloniale à nos jours, vus par beaucoup comme des gens intellectuellement brillants. Mais être scolairement brillant ce n’est pas tout à fait la même chose qu’être intellectuellement brillant. Et, on peut être intellectuellement brillant sans être compétent hors des cadres de compétition scolaires ou universitaires. En effet, avec le singe savant nous avons affaire à un esprit qui valorise le jeu de la compétition et de la réussite scolaires. C’est par cet esprit très prisé au Bénin, que nous avons acquis la réputation de quartier latin de l’Afrique ( soit dit en passant de l’Afrique vue à travers le prisme hexagonal d’un observateur français). Mais cette qualité a hélas une durée de vie limitée, qui correspond à la durée des études scolaires ou universitaires. Lorsque le Béninois qui a passé le plus clair de son temps à jouer les forts en thème se retrouve dans la vie concrète, il y perd aussitôt tout son latin et se retrouve en porte à faux avec les lois de la réalité ouverte. De plus l’entraînement scolaire ou universitaire auquel il s’est adonné brillamment épuise son génie, sa spontanéité créatrice, sa liberté intrinsèque de perception. Incapable de régénérer sa virtuosité d’antan et d’accorder son savoir avec les exigences de la pratique, il est peu à peu abandonné des dieux de la connaissance, et devient l’ombre de lui-même. La qualité intellectuelle ou scolaire dont il a fait montre de façon brillante jadis apparaît rétrospectivement comme une vertu éphémère socialement programmée.
Avec ces trois sources de l’incompétence énumérées ici, on comprend que le Président Talon ait tiré d’entrée de jeu sur la sonnette d’alarme. Mais au vu de la nature endogène de ces sources, on comprend moins que la solution au problème de l’incompétence au Bénin soit envisagée en termes exogènes.
Dr Zéphyrin Aklasatɔ
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Je présume que Monsieur Zéphyrin AKLASSATO est bien médecin, c’est-à-dire Docteur en médecine de son état. Sinon, l’utilisation du titre de Docteur dans la signature de cet article d’excellente facture par ailleurs serait simplement en flagrant porte-à-faux avec l’un des nombreux travers qu’il dénonce si justement à travers son analyse.
Présomption éblouissante, bravo cher ami ! Notre collègue est en effet, non seulement médecin mais diplômé en sociologie de la médecine…
portrait au vitriol des hommes politiques Béninois. On cherche en vain quelques qualités…:)
Il était difficile à l’analyse de l’incompétence de faire état des qualités, l’existence de celles-ci, comme en toute société, allant de soi…