Bénin : Quand les Sages Nagent dans les Ages

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La Décision Dcc15-1566 du 16 juillet 2015 de la Cour Constitutionnelle portant sur la limite d’âge du candidat à l’élection présidentielle n’est que l’un des avatars du parti-pris partisan et politicien d’une institution sous tutelle. C’est la dernière en date des coups tordus dont la Cour Constitutionnelle a l’inspiration servile depuis l’arrivée au pouvoir de M Yayi.
La décision interprète l’âge du candidat à l’élection au regard des contraintes prévues par la constitution ; à l’évidence, elle est opportuniste et frappée au coin du bon vouloir de ses commanditaires, au mépris du bon sens et de ce que dit expressément la Constitution. En effet, sur la question, l’article 44 de la constitution est on ne peut plus clair lorsqu’il dispose que nul n’est candidat à la présidence de la République s’il « n’est âgé de 40 ans au moins et 70 ans au plus à la date de dépôt de sa candidature ». Mathématiquement cela signifie que l’âge du candidat à l’élection présidentielle à la date du dépôt de candidature appartient au segment [40 ; 70] Or par un raisonnement fantaisiste, autoritaire et sibyllin, les sages de la cour constitutionnelle en arrivent à dire que l’âge du candidat à l’élection présidentielle peut être compris dans l’intervalle ]39 ; 69 ] ou [40, 71[, ce qui est un scandale topologique et mathématique inouï. Concrètement ce que dit nos griots de la Cour Constitutionnelle c’est que la mesure de l’âge en années n’a pas de subdivision. A les en croire nous vieillissons tous uniformément au premier janvier de chaque année…Et on peut avoir le même âge avant et après son anniversaire. En clair, désormais au Bénin, selon les sages, on changera d’âge chaque année sans attendre l’anniversaire, qui devient une commémoration vide de sens. A ce train, on n’a pas besoin d’attendre le 1er août de chaque année pour fêter l’indépendance, on peut décider de la fêter n’importe quel jour de n’importe quel mois !
La manière de déterminer l’âge d’une personne dans une société est à l’évidence une décision éthique qui requiert un consensus social. Celui-ci est d’autant plus nécessaire qu’entrent en jeu des considérations politiques. Dans le cas d’espèce, il s’agit de cerner l’âge limite du candidat à la présidence. Et dans son esprit, ce que veut la loi, c’est que le candidat doit avoir entre 40 ans et 70 ans au jour du dépôt de sa candidature. Or avoir entre 40 ans et 70 ans c’est concrètement avoir fêté son 40ème anniversaire et n’avoir pas encore fêté son 70ème anniversaire. Telle est l’esprit de la loi, qui n’était peut-être toujours pas compris ou respecté, car des hommes politiques qui ont effectivement fêté leur 70ème anniversaire, à ce moment tragique de leur carrière, n’auraient pas hésité à déposer leur candidature au seul motif qu’ils n’ont pas encore fêté leur 71ème anniversaire. Dans ce siècle d’informatique où nous disposons d’outils sophistiqués de calcul, en fonction de sa date de naissance, il serait très facile d’affecter chaque personne d’un âge en nombre décimal, y compris à 5 chiffres après la virgule, comme c’est le cas par exemple pour la détermination de la parité entre l’euro et le franc. Et dans l’esprit de la loi, le candidat à l’élection présidentielle devrait avoir entre 40+ε ans et 70-ε ans (0<=ε<=30). Telle est l’esprit de la loi ! Donc il y avait nécessité d’apporter une clarification dans les dispositions de l’article 44 de la constitution, mais la Cour constitutionnelle n’a pas choisi la bonne direction, faute de rester collée à l’esprit de la loi, et à la volonté du législateur.
Pourquoi une interprétation aussi loufoque d’une disposition pourtant clairement énoncée par la constitution ? Le principe de l’incrémentation de l’âge enté sur le jour de l’anniversaire est compris et intériorisé par tous ; il est à la base de toutes nos pratiques, actes et décisions de la vie sociale. Alors, par quelle tournure d’esprit en est-on arrivé à l’évincer et à lui substituer une interprétation parfaitement fantaisiste basée sur une conception de l’année comme fonction entière ?
La Décision Dcc15-1566 du 16 juillet 2015 de la Cour Constitutionnelle a sûrement des fins que seuls ses auteurs connaissent. Au-delà des convenances politiques de circonstance, les sages viennent d’ouvrir la boite de pandore d’une multiplicité de revendications liées à l’âge. Les interprétations nouvelles de l’âge effectif d’un candidat à un examen, un concours ou à une élection réveilleront de nouveaux fantasmes légalistes qui donneront du fil à retordre aux administrations concernées. Par ailleurs, ces fantasmes touchent aussi à la relativité culturelle de la perception ou de l’évaluation de l’âge d’une personne. Ainsi, alors qu’en Europe l’âge du nourrisson est évalué en jour, puis en mois avant son premier anniversaire, en Asie, notamment en Corée ou au Japon, l’enfant qui naît a un an d’office, compte tenu du séjour passé dans le ventre maternel.
Par leur décision, nos sages viennent de poser un acte aux conséquences imprévisibles et complexes. En ont-ils mesuré la portée ? Ou se sont-ils, comme à leur habitude, laissé guider par le seul bon vouloir du prince ? A n’en pas douter, cette décision farfelue sera la source de bouleversements sans nombre qui affecteront la société entière. Mais les sages et les princes passent et seul le peuple en payera le prix.
Alan Basilegpo

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2 commentaires

  1. Je ne retiens qu’une chose: aucune limite pour la goujaterie, la cupidité et la bestialité en politique au Bénin. Je vais me réveiller, il faut que je me réveille.
    Comment en sont ils arrivés à cette chose? à ça? « l’intellectuel taré » prend tout son sens. Tous les jours, on nous sert de la bonne boue à tous les repas.
    Ce qui est certain, ils vont encore plancher sur cette affaire d’année commencée, année acquise et préciser que cela ne concerne que les élections.
    Si tel n’est pas le cas, ils viennent d’abaisser d’office la majorité pénale et civile à 17ans.
    Où veulent ils finalement conduire le Bénin?

  2. Ils ont en effet ouvert la boite de Pandore. Et c’est d’une scandaleuse bêtise, une barbarie qui dépasse l’entendement. Vous avez raison : la « bestialité », il n’y a pas d’autres mots pour exprimer « ça »

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