Le Faux Capitaine et le Vieux Négrier

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Il était une fois un capitaine qui ne savait pas conduire un bateau, et pourtant, il s’était fait on ne sait comment capitaine. Depuis plusieurs années, l’homme était aux commandes d’un bateau qui tanguait sur les eaux profondes de l’Atlantique. Le navire allait souvent de guingois et ne retrouvait le cap que par chance ou par des coups de mains de l’équipage. Le capitaine ne savait ni manœuvrer un gouvernail ni lire la carte de l’itinéraire. Et quand un cap était pris, il avait un sacré mal à le tenir ; il y avait des fois où cap était pris sur bâbord et le bateau se retrouvait à tribord. Il n’y avait pas de doute, le capitaine était un usurpateur doublé d’un imposteur.

Avec le temps, l’équipage s’était rendu compte de la supercherie. Elle en déduisit que le capitaine était un faux. On découvrit que l’intrigant personnage avait usurpé de faux papiers pour passer pour capitaine. Un jour, en haute mer, les marins en rogne voulaient en découdre avec le capitaine. Ils avaient prévu de le remplacer par un matelot surdoué qui ne manquait pas de savoir-faire ni d’ambitions en matière de conduite de bateau. Le capitaine eut vent de l’intrigue qui se tramait contre lui. Certain qu’il passerait devant le tribunal de l’équipage, et pouvait être condamné à de lourdes peines, le faux Capitaine fit diversion et parvint à prendre contact avec l’équipage d’un vieux négrier qui venait à passer. Très vite, il entra en pourparlers avec l’équipage du vieux négrier. Avec force persuasion et promesse, au moment où l’équipage s’y attendait le moins, le faux capitaine réussit à mettre son bateau sous pavillon du vieux négrier. Dans l’élan de cette allégeance il débaucha le second du vieux négrier et le fit capitaine du bateau. La manœuvre fut salutaire. Elle lui permit d’étouffer le scandale de son imposture, et d’enlever toute initiative légitime aux membres de son équipage désormais inféodé au vieux négrier. Le faux Capitaine déjoua ainsi le sort qui lui était réservé. Il préférait le rôle de simple passager à bord du bateau maintenant conduit par le second du vieux négrier. C’était moins risqué que d’être pris dans la tourmente d’une révolte qui risquait de lui coûter cher.

Et, le nez collé au hublot de sa cabine, ruminant la mésaventure de sa filouterie,  pendant que le bateau fendait les eaux, dans le sillage incertain du vieux négrier, l’ex-capitaine n’était pas peu fier d’avoir échappé à l’avanie.

Ahandeci Berlioz

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