Sauf dans les contes ou récits mythologiques, un pays se sauve par ses habitants et non par un individu isolé au demeurant venant de l’extérieur. Le salut par un seul type, oiseau rare auréolé de tous les rêves de transfiguration, capable de faire des miracles, de transformer le plomb en or, ce salut mythologique exogène et héroïque tient du fantasme pour demeurés, du délire onirique à l’état pur. Il est le propre des peuples résolument irresponsables. C’est une version laïque de la confiance aveugle en Dieu, qui « donne le pouvoir » comme se plaisent à dire nos hommes politiques ivres de religion, Dieu qui donne la richesse, la santé, le succès, et le bonheur. Avec cette tournure d’esprit, mentalité à dormir debout, on se pense soi-même incapable d’agir pour soi, on croise les bras, on se met à genoux, on est en extase devant l’autre jugé plus apte à résoudre nos problèmes à notre place. Pendant combien de temps allons-nous tenir ce raisonnement, cultiver cet esprit de renoncement et de procuration infantile et espérer sortir des ténèbres de la régression, de la misère, de l’échec, de la pauvreté qui nous minent ? On se croirait au cinéma. Un rêve éveillé. Cette attente récurrente, et irrépressible du Messie, du Sauveur qui vient d’ailleurs, qui vient d’en haut. C’était la même chose avec Yayi Boni en 2006, il y a de cela bientôt 10 ans ! Et son portrait de rêve est devenu une marque déposée. Inconnu, il était réduit à une série de qualités qui nous faisait d’autant plus rêver qu’elles étaient cuisinées, surfaites, orientées à dessein. Il était docteur, docteur comme Basile Adjou Moumouni. Dr comme le « docteur » Émile Derlin Zinsou… Etc. Il était fonctionnaire international, de quoi exciter le rêve du Béninois qui n’aime rien tant que ce qui vient d’ailleurs ou celui qui est allé ailleurs. Il était économiste et banquier. Il a donc beaucoup d’argent ; il connaît les grands financiers et investisseurs du fin fond du monde qui grâce à lui inonderont notre pays d’argent, de beaucoup d’argent. Étant banquier, il s’y connaît en gestion des affaires et de l’économie ; il gérera donc bien l’économie nationale, et la conduira à travers obstacles et périls que sa science lui fera éviter vers le bon port de la prospérité–une prospérité que sa communication aguicheuse annonçait partagée. Lui-même a ajouté beaucoup d’autres fleurs de rêves qui sont pour la politique ce que les fleurs de rhétorique sont au langage. Oniriques, ces fleurs étaient pour certaines magiques et symboliques. Elles avaient nom cauris. Ah, cauris ! Symbole de richesse, d’argent venant des tréfonds non questionnés de notre histoire trouble. Mais on a affaire à un peuple dont même les meilleurs scolarisés ignorent, méconnaissent ou méprisent l’histoire. Du cauris, le peuple restait sous le charme de la magie pécuniaire, du rêve de l’argent populaire. L’épiphanie viendra sous le triste nom de ICCS. Mais il faut donner du temps au temps : le temps du rêve, le temps du cauchemar. Auparavant, on nous parla d’émergence, de changement. Et quand rien n’émergea, et quand ce qui avait changé était pire que ce qui existait, on nous parla de Refondation. Mais sous la fondation des mots il n’y avait que des maux sans fin. Et toute cette série savamment structurée de superlatifs est censée nous faire chavirer, basculer dans le rêve et nous assurer que cet oiseau rare est enfin le bon… La roue du rêve tourne. Ahandeci Berlioz |
C est le temps de l’éternel recommencement…