Soweto/Gaza : Arrogance d’Israël et Combat Moral de l’Afrique du Sud

Massacre de Gaza en 2023-2024 & Massacre de Soweto, 1976 

Le comportement, ou plus exactement l’attitude géopolitique d’Israël depuis au moins un demi-siècle, est marquée par l’arrogance, sur fond d’une surdité morale et humaine. Une attitude d’autant plus affirmée qu’elle est soutenue par les USA et la noria de leurs colonies européennes : Royaume-Uni, France, Allemagne, Italie, etc.

Cette surdité morale et cette arrogance relèvent presque de la psychanalyse dans la mesure où elles sont entées sur un syllogisme délirant selon lequel les Juifs ont connu le génocide, la Shoah, un crime qu’il considère comme incommensurable, le summum des crimes subis par n’importe quel peuple au monde dans l’histoire. C’est sans doute la forme négative de leur privilège de peuple élu. Élu par Dieu pour le meilleur, il estime avoir connu le pire dans la main des hommes. Ce n’est pas ici le lieu de discuter du caractère présomptueux de cette considération. Il suffit de dire que, se basant à tort ou à raison sur elle, Israël se croit tout permis. « J’ai subi la Shoah, le crime le plus inhumain de l’histoire de l’homme, donc je peux tout me permettre, surtout si je mets mes actes au compte de la défense de ma survie. » 

Là encore, ce n’est pas le lieu de discuter si l’existence de deux États — israéliens et palestiniens — attente véritablement à la survie des Juifs. Il suffit de constater qu’il s’agit de la part d’Israël, d’une rhétorique conservatrice insidieuse basée sur une moralisation idiote de l’histoire à des fins géopolitiques. 

Dans sa démarche, Israël s’est auto-attribué le monopole d’une certaine licence morale à laquelle l’autoriserait sa condition de victime de l’histoire. Il s’y enferme d’autant plus que les maîtres du monde, les Occidentaux, le soutiennent. Or  ce soutien vient du fait que ceux-ci ne sont tout autres que les auteurs du « mal absolu » qui justifie le chantage pseudo-moral actuel d’Israël. Soutenir Israël, pour le meilleur et pour le pire, est pour les Européens une manière de se dédouaner de leur propre crime du passé ; pour les États-Unis qui ont un joli palmarès en matière de génocide — puisqu’ils sont responsables de la disparition ou de la maltraitance non pas d’un peuple mais de races entières —  soutenir Israël est une caution morale gratifiante et servant à masquer leur propre culpabilité devant l’histoire et dans un présent où ils s’illustrent par des exactions monstrueuses de serial killer et une violence aveugle à répétition. Entre deux crimes commis à l’autre bout du monde, les États-Unis ont toujours beau jeu d’affirmer leur soutien inconditionnel à l’Israël.

Du coup, dans le silence général de ceux qui ont les moyens de limiter ses excès, sinon avec leur complicité active, Israël se livre depuis plus de 50 ans à des crimes les plus atroces, les plus barbares contre l’humanité palestinienne et semble ne pas avoir de limites dans sa barbarie. 

Mais ses agissements actuels, les atrocités qui sont commises à Gaza, en l’espace de quelques semaines à peine où près de 20000 morts sont comptés parmi les Palestiniens, sans discrimination de sexe, d’âge ou de conditions,  sont la preuve irréfutable d’un génocide à ciel ouvert. Peut-être que pour les Israéliens, génocide rime avec « nazis » et « chambre à gaz », et qu’à partir du moment où ils n’utilisent pas les mêmes instruments que les nazis, ils se croient à l’abri de cette accusation et s’en défendent  en dépit de l’horreur de la réalité et de la réalité de l’horreur. 

Mais dans le silence général de l’Occident, qui n’a jamais été champion de l’observation ou du respect des valeurs dont il se prétend dépositaire, l’Afrique du Sud a le courage de dire non. Fort de la jurisprudence morale de son passé de victimes de l’apartheid, incarnée par le martyre et le combat héroïque de Mandela,  l’Afrique du Sud a le courage d’appeler un chat un chat. Par son geste, elle met fin à la permissivité scandaleuse dont use et abuse Israël. Dans l’espace des symboles, Israël se voit défier sur le terrain d’une moralité idiote et autistique par un autre symbole de moralité, ouverte et généreuse. Et le seul fait qu’il réponde de génocide devant une juridiction des Nations unies est la preuve que définitivement son masque de pseudo-moralité est tombé. Le soutien ou la complicité seuls de ses bourreaux d’hier ne légitime pas ses crimes d’aujourd’hui. Le génocide des Palestiniens ne saurait être une compensation ni une justification de ses souffrances du passé qui visiblement continuent de le hanter. Il ne l’autorise pas à en commettre d’autres. Et le cas échéant, Israël devra faire face à ses responsabilités dans un monde humain.

Tel est le sens du combat moral de l’Afrique du Sud — un combat qui vient de loin. 

Al-Khatib Benamine