L’Afrique : l’Unité en Saison Sèche

La complexité des tares qui minent l’Afrique laisse la question de sa libération incertaine. Tout le monde connaît le proverbe africain qui dit : « Il faut hisser la jarre jusqu’au genou avant que Dieu ne t’aide à la mettre sur la tête« .

Or, alors que les conditions de l’intervention divine sont sujettes à caution, rien n’est plus incertaine que la volonté des Africains d’effectivement hisser la jarre jusqu’au genou. A cet égard, la première question qu’on se pose est : « En sont-ils même conscients ? » ; la seconde est : « Savent-ils la complexité vicieuse de la tâche? »

Ces questions renvoient à ce qu’on pourrait appeler « le prérequis de la victoire ». Prérequis ou exigence initiale absolue, ou condition sine qua non, pour faire simple. Pour illustrer notre propos, prenons l’exemple de l’issue du bras de fer entre la France et les Officiers patriotes du Niger suite à la prise de leurs responsabilisés par ces derniers face à l’histoire. Cet épisode de la lutte de décolonisation qui fait rage au Sahel est à plus d’un titre instructif. En effet, il nous montre que la décolonisation de l’Afrique passe par la décolonisation du Sahel. C’est-à-dire que si les Sahéliens s’en sortent nous avons des chances de nous en sortir ; sinon sera actée la recolonisation de l’Afrique contre laquelle Kadhafi nous mettait inlassablement en garde avant d’être cruellement assassiné par Sarkozy-Obama-Cameron & compagnie. Tous autant que nous sommes, — individus, groupes, états — nous avons un devoir de solidarité envers nos frères du Sahel. Nous ne devons pas rester les bras croisés à les regarder mener un combat dont l’issue conditionne notre liberté.

La sangsue française s’est fixée sur notre continent sans vouloir lâcher prise. Son impénitence est entée sur un racisme anti-noir tenace. L’idée que les richesses de l’Afrique sont trop précieuses pour être la propriété des sous-hommes noirs qui se trouvent l’habiter fortuitement, sans aucun mérite. On la chasse du Mali, elle passe au Burkina Faso ; on la chasse du Burkina et elle réapparaît au Niger avec la complicité de ses vassaux locaux – Issoufou, Bazoum et consorts. Et maintenant, la voilà qui prend la direction du Tchad, comme si Dieu a crée l’Afrique pour la France.

A la suite du coup d’État du Niger, la France surprise et menacée dans ses intérêts à la fois symboliques et vitaux, n’a eu qu’un réflexe : intervenir. Comme quand on est piqué par un moustique, on tape dessus, sans même réfléchir ; ou comme un cowboy à la gâchette facile qui tire sur le premier « Indien » qui passe. La guerre contre ceux qu’elle appelait les putschistes n’était ni de l’esbroufe ni une logomachie sans lendemain. La guerre avec ou sans la cédéao, « ce machin », n’était pas une vue de l’esprit. Au contraire agir par la force, dans un pays ou un continent où en principe et a priori, elle n’avait rien à faire, était une attitude autoritaire dans la pure tradition coloniale qui, du Madagascar au Cameroun en passant par Tiaroye au Sénégal a versé le sang africain sans états d’âme ni retenue. La France se préparait activement à intervenir. Mais elle y a regardé par deux fois dès l’instant où le jeune président du Burkina Faso, le Capitaine Ibrahim Traoré a dit : « Toute agression contre le Niger sera considérée comme une agression contre le Burkina Faso » Une position prise en chœur par le Mali et la Guinée, avec en toile de fond, l’Alliance des États du Sahel.

Dès lors, la peur a changé de camp. Sans le crier sur les toits, la France a changé son fusil d’épaule et mis un bémol à sa fougue interventionniste. Elle voyait clairement que l’intervention n’aurait plus rien d’une promenade de santé, et que les choses ne se présenteraient plus comme elle l’avait envisagé dans son arrogance paternaliste. L’opération serait plus compliquée, et ses conséquences multiples et imprévisibles. Ce qu’elle en perdrait et ce qu’elle en gagneraient seraient incommensurables.

Dès cet instant l’intervention française est morte. Tout le reste n’a été que gesticulation et mise en forme verbale d’un enterrement de première classe.

Moralité, oui, les tares dont l’Afrique doit se départir pour se libérer sont extrêmement nombreuses et complexes. Elles sont éthiques, morales, politiques, économiques, historiques, etc… Pour autant, si la victoire n’est pas assurée, elle a un prérequis que nous démontre l’AES : l’Unité. L’unité pour le meilleur et pour le pire. L’unité dans le bonheur et l’unité dans le malheur. L’unité en saison sèche, l’unité en saison des pluies. Kwame N’krumah, grand Africain visionnaire auquel font honte les Akuffo Addo et autre Ouattara, l’a dit : Africa must Unite ! Mais, plus qu’un must, l’unité est un Prérequis, même pour une victoire sans certitude.

Adenifuja Bolaji