Afrique : la Politique de l’Hydre, une Parade au Néocolonialisme

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Les Blancs ont tué Kadhafi ; ils ont tué Saddam Hussein, sans que ces dirigeants ne leur aient rien fait. Il faut constater qu’ils ne se lèvent pas pour tuer n’importe quel dirigeant. Ils les choisissent selon des critères de rapport de force. Ils n’oseront pas aller tuer le président de la Russie, ni le président de la Chine. Mais ils s’en prennent à certains  dirigeants d’Afrique ou du Moyen-Orient qui osent leur tenir tête et ne s’écrasent pas devant eux ou ne se laissent pas manipuler comme les émirats pétroliers du golfe arabique.

L’Afrique noire est l’espace caricatural de leur domination. Ils y font la pluie et le beau temps, intronisent ou détrônent qui ils veulent quand ils veulent, à coup de pressions,  de manipulations, de menaces, de coups d’états. Ces pressions conduisent souvent à des guerres fratricides voire des génocides qui laissent les Blancs de marbre, protégés qu’ils sont par l’écran de leur racisme congénital.

Regardez ce qu’ils font au Moyen-Orient avec Assad. Pour la sécurisation d’Israël, la grande cause de bonne conscience après le génocide qu’ils ont perpétré sur les Juifs, ils balaient tout ce qui peut faire peur à ceux-ci ; et pour cela ne reculent devant aucun mensonge, aucun subterfuge. Un dirigeant  arabe anti-israélien fort est pour eux un non sens ; il mérite la mort et on la lui donnera par tous les moyens. C’est ainsi qu’il faut comprendre l’assassinat déguisé de Saddam Hussein et de Kadhafi. Ils essayent la même chose avec Assad, mais grâce à la Russie qui est venue à son secours, ce dirigeant arabe fort n’est pas encore mort, à leur plus grand désarroi.

Regardez, ce qu’ils font avec Gbagbo, un dirigeant noir africain épris de liberté et qui a le tort de croire à la dignité de l’Afrique et à la souveraineté de son pays. On commence par armer des fomentateurs de coups d’Etat  dans tous les sens ; lorsqu’il résiste à ces diablotins à la solde, on pousse le pion un peu plus loin en transformant ceux-ci en rebelles armés. En raison de son habileté politique et de sa combativité hors paire quand Gbagbo parvient à maîtriser tout ce beau monde au bout de dix ans de harcèlement sans précédent, on trouve que le laisser au pouvoir consoliderait sa vision souverainiste d’un état africain conçu pour être aux ordres et sans âme propre. Il faut donc l’éliminer et mettre à sa place un chien dressé, et qui ne demande pas mieux que de servir ses maîtres, sale boulot indigne d’un Africain digne de ce nom. Pour cela, on met en branle le démon du régionalisme, une invention coloniale s’il en est. On surfe sur les frustrations plus ou moins réelles d’une région dont on accuse l’autre d’être la cause, et le tour est joué. On détrône Gbagbo, on le jette en prison pendant huit ans, et là les voilà en train de soupeser dans quelles conditions politiques infâmes sa libération, suite logique de son acquittement, peut être effective. Sous prétexte de formalité judicaire, des gens dans les coulisses jouent avec la liberté d’un homme, et décident arbitrairement de sa détention pour leur confort politique.

C’est ça l’oppression politique, la domination perpétuelle de l’Afrique, qui n’a pas changé depuis au moins cinq siècles ! Et pourtant d’une époque d’oppression à une autre, la solution de continuité, n’était pas nécessaire ;  c’est nous-mêmes qui la leur offrons par nos divisions, guerres ou tensions internes dont ils tirent profit. Parfois, ils les inventent et nous les vendent et nous y adhérons avec passion. Quelle bêtise ! Quand comprendrons-nous que c’est là que se trouve la faille ? Kwame Nkrumah a dit «  l’Afrique doit s’unir ».  Quand comprendrons-nous l’importance de cet impératif ? La taille de nos territoires hérités de leurs basses œuvres coloniales et le conditionnement ethnique arbitraire de nos états ne sont pas des raisons valables de nos divisions. Regardez la Chine ; combien de territoires africains sont plus vastes que la Chine et pourtant les Occidentaux n’arrivent pas à les diviser, bien que ce ne soit pas l’envie qui leur en manque.

Si nous tenons à notre liberté, nous devons faire preuve de maturité et savoir que notre unité en est une condition sine qua non. Notre unité est sacrosainte : son pendant est la mort. Tant que les Blancs peuvent compter sur nos guerres fratricides idiotes, nous sommes morts ; tant qu’ils continueront à installer dans nos têtes les logiciels  de la division et les piloter à distance, nous sommes morts.

La focalisation sur le personnage du dirigeant unique et omnipotent comme nous en sommes passionnés est un talon d’Achille dont ils tirent profit à nos dépens. Ils savent qu’en abattant cette monarchie déguisée dont nous avons intériorisé la toute-puissance, ils pourraient lui substituer un autre monarque à leur solde.

Et si l’Afrique se débarrassait du culte du pouvoir personnel unique d’un seul homme incarné par le Président de la République dont l’élection est au cœur des passions fratricides qui ensanglantent le continent à chaque saison ? Et si à tous les niveaux, le pouvoir cesse d’être unique et personnel mais devient pluriel et collectif ? L’Afrique doit revenir à la forme du pouvoir qui prévalait avant l’acculturation coloniale où, à maints endroits,  le pouvoir était collectif. Il s’agit peut-être d’inventer un pouvoir qui soit le plus décentralisé possible, et qui est tel que lorsque nos ennemis en abattent la tête, ce pouvoir, telle une hydre, n’en continue pas moins d’être dirigé. Un pouvoir dont le centre ni visible ni circonscriptible n’est pas là où on le croit. Dans un  tel pouvoir, faire élire ou assassiner un Président comme les Blancs aiment à le faire en Afrique pour s’assurer de sa docilité n’y changera rien. C’est une variante de la politique de l’hydre qu’ont pratiqué les Holli pour résister aux colonisateurs français. Au plus fort des raids coloniaux, tous les villages holli se vidaient de leurs habitants et le roi disaient aux Blancs qu’il n’était pas respecté de ses sujets. Ce qui voulait dire que le pouvoir holli n’était pas là où les Blancs le situaient.

Si le pouvoir est décentralisé, l’unité nationale ou continentale signifie que chacun est quelque part centre du pouvoir. L’unité dans la décentralisation politique optimale est sans doute la réponse à l’acharnement de l’Occident sur l’Afrique.

Adenifuja Bolaji

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