Nigeria : Critique de la Lutte de Buhari contre la Corruption

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Selon le commentateur Dr Peregrino Brimah, l’info sur les 6 milliards découverts dans une cache de l’ex-DG de la NNPC, sans être une intox, correspond à un scénario de diversion du régime APC. À en croire le commentateur, le régime veut déplacer l’attention de l’actualité, centrée sur la santé de Buhari, et les protestations des Nigérians contre les difficultés économiques auxquels ils sont confrontés au quotidien. M. Brimah étaye son soupçon en affirmant que l’EFCC est un instrument de propagande aux mains du régime, et que sa lutte contre la corruption est à la fois sélective et instrumentalisée médiatiquement. Cette thèse est la même que développe l’académicien et journaliste Farroq Kperogi dans une interview  donnée au Journal Premium Times  au point qu’on ne sait pas qui reprend qui ou s’il s’agit d’une coïncidence logique.

Quoi qu’il en soit, la thèse n’est pas entièrement fausse dans le fond. Mais dans la situation politique du Nigeria, si un régime veut lutter contre la corruption, il ne peut pas scier la branche sur laquelle il se trouve. Il ne peut pas aller à la chasse aux siens sur la base de leurs crimes du passé. Il peut seulement s’en prendre aux adversaires politiques pour leurs crimes du passé et sévir contre tout le monde — opposition et majorité — sur les tentations ou faits criminels  du présent. La sélectivité décriée de la lutte de M. Buhari contre la corruption est un fait indéniable, qui saute aux yeux, chaque jour que Dieu a créé. Pour autant nombre de ceux qui la font font preuve de mauvaise foi ou de dangereux aveuglement politique. En effet, si on prend en compte les conditions de la formation du parti APC qui a porté Buhari au pouvoir, on doit admettre que le président n’a pas les moyens de vendre la maison pour habiter le champ comme le dit  le proverbe fon. Sur quel noyau politique peut-il se reposer pour lutter contre la corruption ? Pour soulever le monde, même Archimède avait exigé qu’on lui donnât un point d’appui. On a vu les difficultés de Buhari avec le Président  du Sénat, Saraki, accusé dans plusieurs affaires de corruption, et la tension politique que cette volonté de lui faire rendre gorge a suscitée dans le gouvernement durant de nombreux mois. Dans ces conditions, les critiques acharnées de la sélectivité de Buhari dans sa lutte contre la corruption sont au mieux un piège dans lequel la moitié des corrompus du pays et ses ennemis politiques tentent de l’enfermer. Mais le vieux briscard de la politique est suffisamment intelligent pour ne pas y tomber. Il appartiendra à l’opposition, lorsqu’elle viendra au pouvoir, d’user de la même méthode pour lutter contre la corruption et alors la boucle sera bouclée.

Au vu du contexte politique nigérian et de la petite histoire de l’alternance qui porta Buhari au pouvoir en 2015, les partisans d’une lutte radicale, systématique et impartiale contre la corruption sont, dans leur absolutisme éthique apparent, soit des romantiques ou de fieffés piégeurs.

Adélàjà Bolánlé

Nigeria : 6 Milliards Découverts dans une Cache chez l’Ex-DG de la Cie Pétrolière

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