
Pendant longtemps, Macron a accusé les Africains qui rejettent le néocolonialisme français — avec son cortège d’exploitation, de mainmises économiques et politiques, du CFA qui les appauvrit sans appel– Macron, disons-nous a accusé les Africains d’être victimes de la propagande russe. Cette accusation, qui relève plus d’une inversion accusatoire qu’autre chose, implique naturellement que la France est médiatiquement, diplomatiquement et politiquement neutre en Afrique et que RFI et autres France 24 reçoivent leur inspiration du bon sens divin sans aucune volonté de lavage des cerveaux africains. Et que les Russes, dont peu d’Africains connaissent les noms des radios ou agences de presse, sont les seuls qui font de la propagande en Afrique, pour ne pas dire contre les Africains. Hormis ce mensonge mesquin, il y a surtout le racisme qui le sous-tend, à savoir que si les Africains décident de la défier en Afrique et de se tourner vers d’autres partenaires que la France, ce n’est pas parce qu’ils sont assez mûrs, assez adultes pour en prendre l’initiative eux-mêmes, mais parce qu’ils ont succombé au poison de la propagande russe.
Mais cette insinuation perfide, comme on l’a vu, n’a pas suffi pour enrayer les dégâts de la mauvaise diplomatie française en Afrique depuis un certain temps, et que l’arrivée au pouvoir de Macron n’a fait qu’aggraver. Tour à tour, la plus grande partie des possessions françaises au Sahel est entrée en rébellion. Le Mali, le Burkina Faso puis le Niger ont nettoyé les derniers retranchements militaires français sur leurs territoires. Et l’un des symboles de la présence française au Mali, Kidal, est tombé aux mains de l’armée nationale du Mali, après avoir été le centre névralgique de ce jeu trouble de la France avec le terrorisme en Afrique.
Dans cette lancée progressiste, les nouveaux régimes rebelles d’Afrique à la recherche de protection et de soutien de taille, ont renforcé étroitement leur coopération avec la Russie. Celle-ci du reste n’a pas eu à déployer un grand effort à cet effet, car la coopération entre la Russie et l’Afrique datait de la période de l’Union soviétique.
Dans ces conditions, menacée de perdre le terrain en Afrique, rendue amère d’avoir perdu le joyau que constitue le Sahel, mais estimant n’avoir pas dit son dernier mot, s’accrochant au Tchad qui est la dernière pièce de ce puzzle géopolitique, la France espère encore renverser la vapeur. Pariant sur l’imbécillité native qu’elle prête aux Africains, et le recrutement de nouveaux serviteurs à la Ouattara ou Macky Sall, la France disons-nous, se jette à corps perdu dans une longue bataille de reconquête coloniale ; non seulement contre les États rebelles du Sahel, où elle multiplie des tentatives de déstabilisation, d’assassinats et de coups d’État, mais surtout, directement contre la Russie. Sans doute suivant l’adage selon lequel il vaut mieux avoir affaire à Dieu plutôt qu à ses saints. La guerre d’Ukraine lui en fournit l’occasion. Adhérant intimement au fantasme de l’Occident patronné par les États-Unis, la France rêve de toute son âme de voir défaite la Russie. Cette défaite qui, selon les plans américains, devrait s’accompagner du morcellement de la Russie en une trentaine de petits États Coca-Cola, serait une aubaine pour la France. Car affaiblie ou disparue, la Russie ne pourra plus venir en aide aux rebelles d’Afrique qui comptent sur l’aide militaire et politique de Poutine. La France reviendrait alors sur ses terres de conquête traditionnelles et, rhabillant le franc CFA en Eco, elle recommencerait sa vieille politique coloniale dont elle a du mal à se défaire.
C’est cette bataille qui motive l’agressivité diplomatique, politique et crypto-militaire de Macron contre la Russie sur le terrain ukrainien, alors que dans cette affaire, eût-il été un successeur sensé et digne de De Gaulle, Macron aurait vu que l’intérêt de la France c’est de contribuer à la la paix dans cette guerre où tous les torts ne sont pas du même côté. Mais l’idée est aussi de montrer qu’on sait se positionner au même titre que les États-Unis. En effet, si la guerre d’Ukraine est une guerre hybride de l’Amérique pour affaiblir la Russie, mutatis mutandis Macron souhaite être vu comme la définissant à son tour dans les mêmes termes ; et il s’en donne les moyens, aussi risibles et ridicules fussent-ils. On connaît le proverbe fon qui dit que « la puce ayant bandé, pose la main sur son zizi – il a beau être rikiki, c’est le mien… » dit-il, pince sans rire. Aussi, avec ses moyens rikiki à l’échelle d’une guerre de superpuissances, pour assurer la défaite de la Russie qui va redonner de l’espoir au néocolonialisme français en Afrique, Macron envoie avec zèle et frénésie armes, instructeurs militaires et mercenaires en Ukraine, et ce en toute illégalité. Pour un dirigeant qui prétend être dans un État de droit et donne à ce sujet des leçons à la terre entière, à commencer par l’Afrique, quel bel exemple de démocratie !
Les Russes ayant compris le jeu trouble de la France en Ukraine, après avoir à maintes reprises mis en garde ses autorités, ont voulu marquer le coup. Ainsi, récemment ils ont frappé sciemment et fort. Plus de 60 mercenaires français ont été tués dans les raids de missiles à Kharkov. L’hôtel où ces envoyés militaires clandestins de la France avaient trouvé refuge ayant été ciblé par les Russes sur ordre venant d’en haut. Et, dans a foulée, l’ambassadeur française en Russie a été convoqué au Ministère russe des affaires étrangères où il a passé de longueurs heures chaudes.
Évidemment, dans un pays démocratique normal, c’est-à-dire réel, vrai, mais qui n’est pas démocratique par affichage, eh bien, le drame aurait été porté à la connaissance des citoyens. Et des responsabilités auraient été prises et assumées. Mais tel n’est pas le cas de la France d’aujourd’hui. La presse française occupée à faire ce qu’elle fait de mieux depuis belle lurette, notamment depuis la guerre d’Ukraine, à savoir la propagande à outrance, s’est enfermée dans un déni cynique de la réalité. Pendant ce temps, Macron et son ministre des Affaires étrangères enculeur de mouches de Premier niveau, multiplient des déclarations belliqueuses ou soporifiques sur la victoire inéluctable de l’Ukraine. L’aide à l’Ukraine n’a jamais été autant d’actualité. L’envoi de missiles intelligents et de dizaines de chars César a été annoncé à grand renfort de publicité, histoire d’étouffer ce qui est à peine ébruité dans les médias alternatifs : le massacre d’une soixantaine de mercenaires français illégalement infiltrés en Ukraine et combattant aux côtés de l’armée de Zelinsky doit rester en France un non-événement !
Il faut donc comprendre le sens de l’agressivité du petit porc-épic Macron contre le Tigre Poutine, de la France à terre, moralement, politiquement, et économiquement, contre la Russie, plus que jamais vent debout, sûre d’elle-même et pour qui la victoire est une question de temps et de forme. En estimant que la façon la plus sûre de remettre en cage les Africains rebelles, c’est de combattre et de défaire la Russie, quelque part, la France reste cohérente avec sa considération raciste des Africains. Elle croit que la Russie est la cause de la rébellion des Africains. Il appartient aux Africains de le détromper ; de faire comprendre à la France et notamment à Macron une bonne fois pour toutes, qu’avec ou sans la Russie, la souveraineté de l’Afrique est irréversible et non négociable.
Boris Azzedine
