
Le concept de « capitalisme racial » est une théorie qui analyse la façon dont le capitalisme et le racisme sont liés et interagissent ensemble. Il est apparu dans les années 1970 grâce aux travaux de l’intellectuel noir américain Cedric Robinson, mais c’est surtout depuis les années 2010 que ce concept a été popularisé par des universitaires et des militants qui l’utilisent pour expliquer les inégalités socio-économiques et raciales persistantes dans de nombreux pays.
Selon la théorie du capitalisme racial, le racisme ne serait pas simplement une forme de discrimination ou de préjugé, mais il serait au contraire un élément constitutif du système économique capitaliste. Les relations de pouvoir entre les différentes races ne sont pas simplement le résultat de comportements individuels, mais sont inscrites dans les structures économiques et politiques de la société.
Le capitalisme racial se caractérise notamment par l’exploitation économique des populations noires et d’autres minorités raciales, qui sont souvent contraintes à occuper les emplois les moins rémunérés et les plus précaires. Il se manifeste également par la privatisation de la terre et des ressources naturelles, qui ont souvent été expropriées aux populations autochtones.
Le concept de capitalisme racial est donc utile pour comprendre comment le capitalisme et le racisme se nourrissent mutuellement et comment les luttes contre l’injustice raciale et les inégalités économiques doivent être menées conjointement. Cependant, ce concept est également critiqué pour son manque de précision et son caractère trop globalisant, qui tendent à effacer les différences de situations et de contextes entre les différentes communautés raciales.
Le concept de capitalisme racial est considéré comme pertinent au sein des sciences sociales, en particulier dans les domaines de la sociologie, de l’histoire, des études culturelles et des études postcoloniales. En effet, cette théorie permet de comprendre les dynamiques complexes entre les inégalités raciales et économiques, ainsi que leur histoire et leur évolution dans différents contextes nationaux et internationaux.
En sociologie, le capitalisme racial est souvent utilisé pour analyser les inégalités économiques et sociales entre les différentes races, ainsi que pour étudier les processus de marginalisation et d’exclusion qui touchent les minorités raciales. En histoire, cette théorie permet de retracer l’histoire de l’exploitation économique et de la subordination des populations noires et d’autres minorités raciales, ainsi que les luttes qu’elles ont menées contre ces injustices.
Dans les études culturelles et postcoloniales, le capitalisme racial permet d’analyser les représentations et les imaginaires qui sont associés à la race et à l’économie, ainsi que les modes de résistance et de réappropriation qui sont mobilisés par les populations racisées.
Cependant, il convient de noter que le concept de capitalisme racial est également sujet à débat et à critique au sein des sciences sociales. Certains critiques soulignent notamment le risque de simplification et d’essentialisation que peut entraîner l’utilisation de ce concept, ainsi que son potentiel réducteur pour les luttes antiracistes. Il est donc important de poursuivre les recherches et les débats sur ce concept, en étant attentif aux nuances et aux spécificités de chaque contexte socio-historique.
Il existe plusieurs personnalités clés qui ont contribué à populariser le concept de capitalisme racial, notamment :
- Cedric Robinson : c’est l’un des premiers intellectuels à avoir développé la théorie du capitalisme racial dans son livre « Black Marxism: The Making of the Black Radical Tradition », publié en 1983. Il a montré comment le racisme était inscrit dans les fondements même du capitalisme, et comment les luttes des populations noires étaient liées à des luttes plus larges contre l’exploitation capitaliste.
- Angela Davis : cette militante et intellectuelle américaine est une figure emblématique de la lutte pour les droits civiques et contre l’oppression raciale. Elle a développé une critique radicale du système carcéral américain, qu’elle considère comme un outil de contrôle social et de maintien de l’exploitation économique des populations noires.
- Keeanga-Yamahtta Taylor : cette universitaire et militante américaine est l’auteure de plusieurs ouvrages sur le racisme et le capitalisme, notamment « From #BlackLivesMatter to Black Liberation », publié en 2016. Elle montre comment le mouvement Black Lives Matter est une lutte contre les violences policières, mais également une lutte contre le capitalisme racial qui structure la société américaine.
- Achille Mbembe : cet intellectuel camerounais est l’auteur de plusieurs ouvrages sur le postcolonialisme et la théorie critique. Dans son livre « Critique de la raison nègre », publié en 2013, il analyse le racisme et l’exploitation économique des populations africaines, et montre comment ces phénomènes sont liés à l’histoire coloniale et à la mondialisation capitaliste.
Ces personnalités ne sont bien sûr pas les seules à avoir travaillé sur le concept de capitalisme racial, mais elles en sont des exemples significatifs. Retenons surtout que travaux de Keeanga-Yamahtta Taylor et Achille Mbembe offrent une perspective historique et philosophique essentielle pour comprendre les liens profonds entre le racisme et le capitalisme. Ils nous rappellent que le racisme et l’exploitation économique sont intrinsèquement liés à l’histoire coloniale et à la logique capitaliste qui a façonné le monde moderne. Leurs analyses invitent à une réflexion critique sur ces systèmes et appellent à la recherche de nouvelles voies pour lutter contre les injustices structurelles. En nous confrontant à ces réalités, nous sommes poussés à remettre en question les fondements mêmes de nos sociétés et à œuvrer en faveur d’une transformation profonde et équitable.
Adenifuja Bolaji
