
En général, ce sont les Européens – qu’ils soient du vieux continent ou des continents qu’ils ont « découverts » par la force, le viol, le vol, les massacres ou les génocides – qui nomment les choses en Afrique. Non seulement parce qu’ils y font historiquement la pluie et le beau temps, en raison de leur puissance alliée à leur racisme anti-noir impénitent, mais aussi parce qu’ils se sont arrogé le pouvoir symbolique de nommer les choses, comme l’homme nomme les choses et les animaux les subissent. Ainsi, se sont-ils attribué sans discussion le pouvoir de dire ce qui est, de nommer chaque chose et ce qu’ils ne disent pas, ce qu’ils ne nomment pas, ce qu’ils ignorent est tenu ipso facto comme non existant.
Ce n’est pas seulement en raison de leur puissance économique et militaire : Dieu merci, ils n’en ont pas l’apanage. La Chine qui avait exploré l’Afrique au moment où les Européens grelottaient encore dans les grottes n’avait pas usé de son pouvoir économique, technologique et militaire pour réduire l’Afrique en esclavage, la dominer, y nommer les choses à sa guise. Elle ne l’a pas fait avant la ruée raciste des Blancs sur Afrique – et, comme on le voit de nos jours, même avec sa puissance économique renaissante, même lorsqu’elle est tout aussi attirée par les richesses africaines, elle ne le fait pas davantage. De même, la Russie ou même l’Inde ne manquent pas de poids militaire, économique ou civilisationnel ; et pourtant dire nommer les choses en Afrique est le cadet de leur souci.. Ce n’est ni la Russie ni l’Inde qui font les guerres ou les coups d’Etat en Afrique ; ce n’est pas elles qui disent que tel régime est bien et doit être soutenu vaille que vaille, ou tel autre est mauvais et doit être combattu politiquement, médiatiquement, et militairement.
C’est que, usant et abusant des circonstances historiques et politiques, au sortir des fers successifs qu’ils ont imposés à l’Afrique – traite négrière, colonialisme, vols, viols et massacres en tout genre — ils ont, à la faveur de contrats dictés, œuvré pour le maintien des systèmes symboliques, notamment de leurs langues comme langues d’un Etat lui-même colonial sans solution de continuité.
Avez-vous jamais entendu l’agneau parler la langue du Loup ? L’antilope parle-t-elle la langue du lion ou du léopard ? Et pourtant c’est ce cirque de la domination mentale, relayé par les structures monopolistiques de l’information qu’ils contrôlent qu’ils nous imposent depuis des décennies, avec de notre part, un consentement sinon une joyeuse complicité pour le moins ahurissante.
A partir de là, et doublé par la domination politique, les Européens se sont arrogé le pouvoir symbolique de nous faire être, de faire être ou ne pas être ce que nous sommes ou faisons. En pleine nuit en Afrique, ils peuvent déclarer qu’il fait jour et le monde entier, y compris nous-mêmes, tiendra pour vrai qu’il y fait jouer. Exemple, actuellement tout va bien en Côte d’Ivoire surtout depuis le troisième mandat criminel de Ouattara, et le monde entier, à commencer par les Ivoiriens eux-mêmes, doivent l’accepter ainsi. De même, le monde entier est censé comprendre que tout va mal au Mali ou en Centrafrique depuis que ces pays ont décidé d’aller voir ailleurs pour assurer leur sécurité et leur liberté.
Les Européens – qu’ils soient du vieux continent ou des continents « découverts » par la Force, le viol, le vol, les massacres ou les génocides – disent et arment les guerres et celles-ci font rage en Afrique. Ils disent et arment les génocidaires et les génocides se produisent à plus ou moins grande échelle. Ils disent et donnent des coups de main aux coups d’État et ceux-ci se font en fanfare. Un Ouattara, un Bongo, un Gnassingbé ont-ils truqué les élections, ou manipulé la constitution pour un énième mandat ? Ont-ils à cet effet réprimé dans le sang le peuple, pourchassé ou tué les opposants, dilapidé l’argent public pour acheter les consciences, pécuniairement massé les militaires et les cadres ? Tous ces agissements crapuleux sont des non-événements, et s’il faut parler de leurs auteurs, ce n’est qu’en termes élogieux que les Blancs le font. La méthode étant : « silence de mort sur les méfaits de nos ludions et tollé sur les vétilles des dirigeants africains qui osent lever la tête ou rouspéter » — vétilles souvent imaginaires, du reste.
Tout cela prouve qu’il est urgent pour l’Afrique de prendre et d’assumer le pouvoir de dire et de nommer ce qui est et doit être en Afrique. C’est ce que font le Mali et la Centrafrique au grand dam des Français, ces braconniers impénitents de l’Afrique.
Adenifuja Bolaji
