
Les tueries de masse ont repris du service au Nigeria, dans leur épicentre traditionnel, le Centre du pays. Plus de 135 morts sont à déplorer dans de nouvelles attaques contre les communautés du Plateau.
Ces attaques qui se sont produites dimanche, ont touché les communautés de Kukawa, Gyambawu, Dungur, Kyaram, Yelwa, Dadda, Wanka, Shuwaka, Gwammadaji et Dadin Kowa de l’État du Platau.
Les dernières attaques surviennent moins d’un mois après que 10 personnes ont été tuées dans le village de Te’egbe du district de Bassa. De nombreuses personnes ont également été blessées et au moins 30 maisons ont été incendiées lors de l’attaque, selon un communiqué de la police.
Avant cette attaque, Irigwe, une autre communauté de Bassa, était également impliquée dans des crises communautaires où au moins 10 personnes ont été tuées.
L’État du Plateau a connu plus de crises communautaires et religieuses au cours de la dernière décennie que tout autre État du Nigeria. Et pour cause, il est l’épicentre d’un syndrome de chantage politique par massacre ethnique et religieux interposé. Un euphémisme politiquement correct imposé par le narratif officiel veut qu’on parle de heurts entre éleveurs peulhs et paysans sédentaires. Mais la réalité est beaucoup plus ahurissante ; les vrais tueurs opèrent sous l’égide d’un groupe terroriste structuré à vocation pastorale et religieuse dénommé Miyetti Allah. Ce groupe a pignon sur rue et ses entrées dans les sphères du pouvoir en place. La fréquence et les modalités d’action de ses assassins régionalistes sont assez éloquentes et en disent long sur ses motivations ainsi que ses objectifs.
A la proclamation des résultats des élections qui allaient porter Goodluck Jonathan au pouvoir en 2011, une émeute avait éclaté dans les régions septentrionales du pays causant pas moins de 800 morts et des milliards en destruction de biens. Ce soulèvement manipulé et armé par des groupes politiques occultes exprimait le rejet des Nordistes musulmans à l’accession au pouvoir d’un Président sudiste qui plus est chrétien. Ce massacre a été le crime inaugural qui allait doper l’éveil et l’émergence de Boko haram dans sa forme actuelle. Depuis lors avec des intensités et des bilans variables dans leurs atrocités, le groupe Miyetti Allah n’a cessé de signer dans le crime de sang et les tueries de masse son refus de faire nation avec le sud chrétien ; refus pour lequel l’Etat du Plateau, en tant que transition culturel et géographique vers le sud, est à la fois un otage et un bouc émissaire. Curieusement les activités meurtrières du Miyetti Allah cessèrent du jour au lendemain après l’élection de Monsieur Buhari, corroborant le soupçon qui fait de l’actuel Président sinon son mentor du moins son idole. Cette trève dura deux années pour reprendre au plus fort de l’impopularité de Monsieur Buhari qui faisait peser de lourds risques sur sa réélection. Alors le tueries reprirent de plus belle en toute impunité. Il ne se passait de semaine où dans tel ou tel district du Plateau ou d’autres États du Middle Belt, les tueurs de Miyetti Allah, ne commettaient des crimes d’une barbarie sans nom. Et ces crimes allèrent crescendo dans leur intensité meurtrière jusqu’à la réélection de Monsieur Buhari. Puis soudain, apaisés d’avoir atteint leur objectif, les criminels rangèrent leur armes et le Middle Belt connut à peu près quatre années d’accalmie ou d’incidents de basse intensité. Voilà qu’après huit années de pouvoir par un président musulman du Nord, la logique d’une alternance régionale possible menaçant le doux rêve des régionalistes islamistes, les vieux démons de tueries de masse dans le Centre du pays reprennent du service. Et vers qui d’autres doit-on légitimement pointer le doigt accusateur que ceux-là qui se sont jurés de ne jamais avoir à la tête du Nigeria que des hommes de leur région et de leur religion ?
Cette question prend tout son sens lorsqu’on sait que la question de l’intolérance ethnique aveugle pose problème parmi les Nordistes eux-mêmes jusques et y compris au sein du groupe Miyetti Allah lui-même ! La preuve, le Président du groupe a été assassiné la semaine dernière dans le conseil régional de Gwagwalada à Abuja. Adamu Aliyu, tel est son nom, aurait été tué aux côtés de quatre autres personnes près du village de Daku dans le quartier de Dobi.
Toutes ces tensions apparaissent comme autant de manières de peser sur les choix et les tractations de l’ombre en vue de positionner les futurs candidats à l’élection présidentielle de 2023. Quoi qu’il en soit, les crimes de masse dans le Centre du Nigeria et dont l’Etat de Plateau est la victime expiatoire, risquent de continuer en s’intensifiant jusqu’aux élections de 2023 histoire de faire de la terreur, la véritable maîtresse du jeu politique.
Adekoya Badero
