
Au début de la guerre d’Ukraine, on a vu s’esquisser en Afrique un frémissement d’enrôlement de recrues africaines pour aller combattre aux côtés des forces ukrainiennes. Le frémissement a surtout fait écho dans les pays francophones. Au Sénégal, le gouvernement est allé jusqu’à publier un communiqué mettant en garde contre tout recrutement en vue de la guerre en Ukraine à partir de son territoire, assorti d’une interdiction aux Sénégalais, — où qu’ils fussent — de s’y engager. En côte d’Ivoire en revanche, pays dirigé par un corsaire Burkinabè à la solde de la France, les mêmes rumeurs ont couru pendant un certain temps ; et le silence du gouvernement ou l’absence de prise de position officielle sur la question en dit long sur l’attitude de cet État historiquement vendu à la France.
En dehors de la faim qui colle à la peau des Africains et qui les pousse à saisir la moindre occasion pour s’en sortir, il va de soi que cette inspiration ahurissante de débilité est l’épitomé des idioties simiesques dans lesquelles la France aime à s’illustrer sur le dos des Africains ; en encourageant ceux-ci à aller se battre en Ukraine — à la manière héroïque d’un Mamadou Gassama, ce Malien sans papier qui a « sauvé » un enfant blanc depuis les hauteurs vertigineuses d’un immeuble parisien — les manitous de la Françafrique voudraient sans doute mettre en lumière le caractère universel du combat pour la liberté qui se mène en Ukraine. Alors que soit dit en passant, cette liberté est malmenée par la France aussi bien en Afrique que chez elle-même. Il est vrai que l’universel d’opérette dans laquelle la France se complaît depuis des siècles ne prend tout son sens qu’avec la mise en scène du Noir.
Or très vite, a pris d’assaut et tourné en boucle dans les « réseaux sociaux » l’image abjecte de la haine et du mépris du Noir Africain en Ukraine, qui du reste n’en a pas le monopole dans tout l’Occident, la France en tête. En Ukraine même, où on invitait les Noirs à aller se battre au nom de l’universalité de la liberté, les Noirs étaient discriminés au quotidien ; on les maltraitait, leur interdisant l’entrée dans les trains pour fuir le théâtre de guerre. Cette image a ruiné le narratif d’une Ukraine héroïque où se jouerait le sort d’une liberté universelle, que l’engagement volontaire des Noirs Africains devait plus que tout mettre en lumière, en exergue et rehausser.
Aux dernières nouvelles, l’ardeur combattive des Volontaires Noirs en faveur de l’Ukraine a fait pschitt. Soit du fait que leurs metteurs en scène occidentaux ont jugé l’affaire mal engagée et mort-née parce que le vent a soufflé et le monde entier a vu l’anus du poulet ; soit qu’émergeant des brumes oniriques, les yeux des Braves Africains ont enfin rencontré leur nez de nègre dans leur visage d’homme.
Aminou Balogun
