ONU : Senghor et les Pygmées

Il ne s’agit pas de vous infliger les discours plus ou moins rituels et soporifiques, plus ou moins politiques et médiatiques de l’Assemblée générale de l’ONU où chaque Chef d’État essaie de se poser en s’exposant dans l’espoir plus ou moins ténu de s’imposer.

Non, il s’agit de voir chez chaque homme d’État intervenant ce que nous dit la forme, à l’ombre du fond que tout le monde devine, tant il est balisé par les capacités géopolitiques bien comprises de chaque nation.

Ainsi le Premier Ministre Japonais est vêtu de cette tenue complet veston qui, depuis la Révolution Meiji, a officiellement supplanté le kimono traditionnel au point de devenir, en dehors de l’empereur qui en entretient l’apanage à l’interne, la tenue normale, officielle et quotidienne des Japonais. Mais, plus encore, le Premier Ministre japonais en sa qualité de représentant de la nation japonaise parle la langue japonaise. Résumons-nous : s’adressant au monde à partir de la tribune des Nations unies, le représentant japonais porte une tenue japonaise et parle en japonais. Quoi de plus normal, en somme.

Idem pour le Premier Ministre indien : tenue indienne et parole en langue indienne

Idem pour le président de France ; tenue française (occidentale, si on veut) et parole en français

Idem pour le représentant de l’Arabie saoudite : tenue arabe et parole en en arabe…


Or donc, nous voilà aux prises avec des représentant de pays africains — plus précisément de l’Afrique noire. Que remarque -t-on ? Deux cas de figure intéressants :

  1. Le cas du Mali

Le représentant malien joliment vêtu de tunique malienne (bambara) avec boubou et coiffe assortie. Un look qui mérite la félicitation esthétique, mélange de beauté, de simplicité et de dignité, on en convient. Mais quelle langue parle-t-il ? Le français, la langue de la nation qui continue, 60 ans après l’indépendance formelle, de harceler son pays et son peuple, de leur imposer une prédation coloniale implacable d’un autre âge. Tout se passe donc comme si la tenue « africaine » n’a pour fonction que de masquer l’aliénation symbolique et politique, que trahit la langue dans laquelle parle le représentant de ce qu’il qualifie lui-même de la nation africaine du Mali.

2. Le cas du Burundi

Dans le cas du Burundi, son représentant a le mérite d’aller droit au but. Il ne prend pas la peine de se cacher derrière son petit doigt d’authenticité vestimentaire. Sa tenue est celle des Blancs et la langue qu’il parle est aussi celle des Blancs. Peut-on dire qu’il fait preuve d’une lucidité néo-senghorienne à la sauce pygmée en estimant qu’en matière de métissage (pour ne pas dire aliénation) quand on est dans la merde jusque au cou on y est jusqu’aux yeux et même dans la tête…


Souvenir souvenir

Loin, très loin le temps où, devant l’assemblée de la SDN, l’ancêtre de l’ONU, Haïlé Sélassié s’excusait en français avant de parler la langue de son pays !

Adenifuja Bolaji

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