


Les images ci-dessus nous présentent les manières de se vêtir publiquement des hommes politiques yoruba de l’Etat de Lagos. En haut, la première image est celle de Mudashiru Obasa, le Président du Parlement de Lagos ; en dessous, celle de Desmond Elliot, célèbre acteur cosmopolite métis Yoruba-Ibo reconverti à la politique, et qui pour faire sens dans l’Etat de Lagos dont il est l’un des députés, affiche ici les couleurs identitaires yoruba. Jusque-là rien que de très normal, vu qu’on est dans un Etat yoruba, où le yoruba est l’une des langues du parlement, et où il fait bon afficher son identité yoruba.


Ici, comme le montrent les photos immédiatement précédentes de Monsieur Osinbajo, on voit le Vice-Président dans une tenue sobre, sans signe d’identité particulière, à l’ouverture intelligemment conçue pour s’inscrire dans le schéma d’identification des trois grands ethnies du pays : cette tenue est comprise par les Yoruba, par les Ibo et ne choquerait pas non plus dans un milieu Hausa/Peul



Comme on le voit dans l’image ci-dessus et celles immédiatement plus haut, la posture vestimentaire de Buhari se veut fermement ethnique. Le président nigérian s’affiche comme un Peul/Hausa et attend que les autres le voient comme tel. Dans son esprit, l’identité Peul/Hausa qu’il affiche et qui est aussi la préférence qu’il impose dans ses nominations où 98% des chefs des agences de sécurité sont choisis dans sa région et dans sa religion, cette identité pourtant partiale, est celle du Nigeria. Il ne pense pas que l’identité du Nigeria doive être plus ouverte, plus négociée et transcender les spécificités tribales. Et c’est ce qui motive sa vision politique qu’on peut taxer d’ethniquement hégémonique, comme l’a fait l’évêque de Sokoto, Mgr Matthew Kukah, sans commettre un péché d’exagération.
Monsieur Buhari semble mettre ses pieds dans ceux d’un Ahmadou Bello, l’un des tout premiers dirigeants nordiques du Nigeria qui disait :
« La nouvelle nation appelée Nigeria devrait être le domaine réservé de notre aïeul Ousmane Dan Fodio. Nous devons implacablement empêcher tout changement de pouvoir. Nous utiliserons les minorités du nord comme des instruments dociles et le Sud comme un territoire conquis, que nous ne laisserons jamais nous dominer, et auquel nous ne permettrons jamais de contrôler son avenir. » – In « The Parrot », 12 Octobre 1960.
Et pourtant le tribalisme et l’hégémonisme sont incompatibles avec l’idée d’une fraternité africaine. Un Africain ne peut pas être africain le jour et tribaliste la nuit. Au lieu de mettre en avant nos spécificités tribales et vouloir les afficher, voire les imposer implicitement ou explicitement à l’échelle de nations au demeurant artificielles, nous devons au contraire, comme le suggère le style vestimentaire du Vice-Président Osinbajo, transcender nos particularismes et s’ouvrir vers les autres tout en restant nous-mêmes.
Attahiru Balewa
