Voisin/Voisine : Éloge de la Convivialité, une Valeur Africaine

Dans ce siècle où la globalisation et le nouvel ordre médiatique, tel un rouleau compresseur, avancent en réduisant les spécificités locales, l’Afrique continue de garder une certaine authenticité dans les mœurs qui plaide pour son humanité, la convivialité au sens propre du terme.

Parfois cette valeur, qui a déserté les pays riches dits civilisés, peut avoir un côté pesant, qui empiète sur les libertés individuelles chères aux Occidentaux, mais l’humanité dont elle est porteuse vaut bien plus que ses désagréments.

C’est ce que nous montre « Co-tenants », petite comédie de Nollywood à la sauce yoruba movies qu’on peut traduire par Voisins/voisines. Dans ce film court qui dure moins d’une heure, et qui nous change des films fleuves du genre, les acteurs principaux sont Tayo Sobola, Lateef Adedimeji, Tayo Amokade et Ronke Ojo, qui sont tous bien connus dans le paysage nollywoodien, tout au moins dans son versant yoruba.

Tayo Amokade, communément appelé « Ijebu » pour son parler vernaculaire au débit saccadé et frénétique, campe le pôle comique qu’il anime avec l’énergie et la truculence nerveuse qui le caractérisent.

Échauffourées entre Suraju et Tunrayo

L’action du film oscille entre deux lieux opposés : la maison dont sont colocataires Suraju ( Ijebu) et Tunrayo (Tayo Sobola), et la société de publicité où Suraju est coursier, bien qu’il parade comme « protocole officer ». Tunrayo est une jeune diplômée sans emploi, comme nos sociétés africaines qui marchent sur la tête produisent à la pèle. Titulaire d’un master en « business administration » et sans emploi, elle vit auprès de sa grande sœur Adija (Ronke Ojo), une vendeuse de fruits. Pour mériter sa subsistance, Tunrayo aide Adija dans son métier, ce qui l’amène à être vendeuse itinérante de fruits.

Dispute matinale entre Adija, Tunrayo et Suraju

Et, déjà, un premier aspect de la convivialité au cœur de cette comédie apparaît sous son aspect fatal à nos sociétés, à travers le harcèlement des vendeuses par les acheteurs jamais avares de propositions toutes plus salaces les unes que les autres. Lot quotidien des vendeuses ambulantes de nos villes en Afrique où vendre flirte avec le risque plus ou moins assumé de vendre ses charmes.

Tunrayo en vendeuse ambulante de fruits

Mais l’impact de la valeur de convivialité éclate dans les rapports houleux entre les colocataires que sont Suraju, Tunrayo et Adija. Suraju à sa manière excitée ne rate pas une occasion de provoquer Tunrayo qui elle-même fait montre d’une combativité à toute épreuve. Les clashes entre les deux colocataires, renforcés par les interventions défensives d’Adija se multiplient.

Kofo la vraie secrétaire et Suraju le « protocole officer » imaginaire

Se disputer, avoir maille à partir l’un avec l’autre fait partie du menu quotidien. Chez Suraju, ce menu dérive vers un rituel compulsif, passablement hystérique. Parfois et malgré la hargne de ces clashes, on  assiste à des moments de jeu et d’effusion qui trahissent l’ambigüité des tiraillements entre les colocataires. Comme on le dit aen fongbé, on aurait dit que Tunrayo a fait caca sur le caca de Suraju.

Turayo exécute une danse des fesses pour moquer Suraju

L’autre lieu de déploiement de la convivialité mise en jeu dans le film est l’Agence de pub où travaille Suraju. Là, le film s’attache avec des moyens simples à restituer par petites touches la banalité des vices en milieu professionnel. Entre un portier addict à la musique qui, écouteurs toujours enfoncés dans les oreilles, passe son temps à chanter et à gesticuler, un directeur du personnel érotomane qui flirte avec la secrétaire et drague toute femme à sa portée, sauf le jeune PDG, Kunle, montre le bon visage de la convivialité et une conduite exemplaire. Sa galanterie et son admiration  pour la jeune Tunrayo entreront en jeu dans la dialectique du récit.

Nomination de Tunrayo au poste de PDG

A l’issue d’une rencontre fortuite avec Kunle, Tunrayo aura l’occasion de livrer régulièrement des fruits à l’Agence où elle aura maille à partir avec Suraju et la secrétaire, qui voit en elle une proie possible de son amant érotomane. De fil en aiguille, et surmontant toutes les adversités, l’aventure de Tunrayo – la bien nommée – tournera au conte de fée, lorsque séduit et convaincu par ses diplômes et  son intelligence, Kunle lui cédera son propre fauteuil de PDG de l’Agence, pour occuper d’autres fonctions au sein du groupe.

Cérémonie d’allégeance à la nouvelle PDG

Alors, panique chez ses anciens détracteurs, notamment Suraju qui s’attendait à faire les frais d’un probable dégraissage annoncé. Mais à sa grande surprise, Tunrayo se montra magnanime et le propulsa «office assistant » …

L’heure de la repentance et du pardon

Preuve s’il en est de la tendresse qui était le fond ambigu de la relation houleuse entre les deux colocataires.

Bejide Alamoran

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