
Il faut prendre la question de l’universalité de l’Africain au sérieux. Nous avons été sortis de notre nature intrinsèque par une rencontre avec l’occident. Rencontre placée sous le signe de quatre siècles de barbarie. La forme la plus achevée de cette barbarie est l’aliénation culturelle qui est la base même de notre manipulation.
Donc comme Senghor l’a pensé, – et sans préjudice du fait que ses actes et sa vie personnelle sont souvent aux antipodes de ses pensées – l’universalité, la vraie, l’universalité universelle reste la condition d’épanouissement et de désaliénation de l’Africain qui a déjà subi le mal d’être sorti de lui-même ; le fait, une fois sortis de nous-mêmes, de ne pas rester devant une unique réalité : l’occident. Chose que nous n’eussions aucun inconvénient à faire si le rapport sous lequel l’occident nous considère n’était en réalité un rapport de prédation et de mise au pas.
Donc s’ouvrir. S’ouvrir vers des horizons nouveaux, de manière que, peuple dernier à affronter la globalité de son être-là, nous arrivassions, dans un monde condamné à l’universel, à être les dignes précurseurs de celui-ci.
S’ouvrir sur d’autres horizons. Par exemple sur l’Orient, connaître ses termes et ses lanternes, ses lumières et son histoire.
S’ouvrir sur le monde amérindien, dans sa valeur originelle et hélas anéantie par la barbarie indomptable de ce même occident.
Mais la Chine ou l’Inde tout de même ! Nous devons aller à elles immédiatement, de manière à ce que notre regard sur ces civilisations de l’Orient nous permette de prendre conscience et distance de notre pseudo-universalité d’êtres amenés à ne voir l’universel que par le petit bout de la lorgnette d’un occident incube qui abuse de notre nuit de peuples asservis, peuple dont la culture n’a pas su résister à la domination d’une autre et qui de ce fait s’est trouvé placé dans une nuit de songes permanents.
S’ouvrir sur l’Orient, le maîtriser, y prendre là aussi nos références par rapport à l’analyse des choses qui nous concernent, cesser de voir le monde par les seules lunettes de Galilée, nous libérer d’un piège, d’un étau mental, d’une médiation truquée. Mais aller vers l’Orient sans pour autant nous faire d’illusion sur les Orientaux qui, bien qu’ils fussent Orientaux, c’est à dire différents de l’Occident, n’en sont pas moins des hommes. Telle est la nécessaire démarche qui doit habiter tout Africain désireux d’ouvrir le chemin vers une réelle universalité, débarrassée de tout consensus frauduleux.
Adio Badaga
