Le débat sur l’ « obsolescence programmée » l’associe à l’« arnaque » ou au « vice caché ». L’histoire de cette notion montre cependant que l’obsolescence a été publiquement préconisée par des industriels, économistes, marketers, publicitaires, conseillers en économie domestique.
En dépit de nombreuses recherches, lois et plaintes déposées contre de grandes marques, la notion d’obsolescence programmée fait débat en France. Si l’expression est désormais connue, elle reste utilisée avec circonspection, car associée à une théorie du complot ou un réflexe technophobe. Sans doute parce qu’elle reste définie, de part et d’autre du débat, comme une forme de tromperie, d’arnaque ou de vice caché. Or si la référence à ces trois concepts permet d’éclairer certains cas, elle ne permet ni de se débarrasser des sempiternelles critiques de la notion d’obsolescence programmée, ni de traiter en son ensemble le problème de la durabilité.
En effet, l’histoire de l’obsolescence montre que, loin d’avoir été pratiquée en secret, elle a été publiquement promue, et continue de l’être, comme source de progrès, de prospérité, d’égalité ou d’émancipation. Des conflits liés à la mécanisation des moyens de production aux produits jetables, de la constitution du marketing en profession aux promesses d’humanité augmentée par la micro-informatique, le renouvellement systématique des objets a été érigé en signe, en source voire en essence même de leur valeur. Cet article propose d’évoquer quelques moments-clé de cette histoire, afin d’éclaircir le rôle central que joue le gaspillage dans les économies occidentales, et de questionner les limites des politiques actuelles en faveur de la durabilité.
« L’obsolescence programmée » : un débat actif, mais réducteur