Sylvanus Olympio, le premier président du Togo indépendant fut assassiné dans la nuit du 12 au 13 janvier 1963. Cet assassinat qui fut revendiqué par un commando de 6 soldats à la tête duquel se trouvait un soldat inconnu de l’armée coloniale nommé Gnassingbé Eyadema, ouvrira la série des coups d’Etat dont le paysage politique de l’Afrique indépendante naissante sera le théâtre. A cet assassinat, des raisons économiques et ethniques apparentes ont été trouvées, vu que l’assassin se réclamait du Nord et que la victime était du un Ewe du Sud. Mais un regard politique plus objectif laisse voir que le premier Président du Togo qui, en raison de ses origines et de son cursus biographique anglophones, exprimait vis à vis de la France une défiance culturelle instinctive et structurée avait attiré sur sa tête à son corps défendant l’épée de Damoclès de la Françafrique manœuvrée par Foccart. Dans sa logique naïve d’indépendance enté sur le modèle de Kwame Nkrumah, en décidant de créer sa propre monnaie arrimée au Deutsch mark, Sylvanus Olympio a franchi la ligne jaune de la secte liberticide de la France en Afrique ; et par-là même il a signé son arrêt de mort. Le reste n’est qu’une question de ludions stipendiés et de motifs d’opérette, comme c’est souvent le cas dans les crimes géopolitiques de la France en Afrique. C’est la thèse que développe l’historien et écrivain togolais, Godwin Tété, dans un article consacré à un de ses ouvrages qui traite de la question. Lisez plutôt ici un extrait
II-LA VOLONTÉ DE SYLVANUS OLYMPIO DE CRÉER UNE MONNAIE NATIONALE TOGOLAISE : LA GOUTTE D’EAU QUI AURA FAIT DÉBORDER LE VASE
(…) Or, malgré tous ses efforts tendant à prouver sa bonne disposition à l’égard de la vraie France, de la France de 1789, de la France de la Résistance…, les Françafricains ne lui ont jamais offert une place, si minime soit-elle, dans leur cœur. À ce sujet, voici un document qui en dit long quant à la perception que les colons français avaient de la personnalité de notre futur Président de la République :
« Enfin, l’Agent général de l’UAC pour le Togo et le Cercle de Kéta (Gold Coast), M. Sylvanus Olympio est, sous le couvert d’Augustino de Souza, président du Conseil des notables de Lomé, le véritable chef de l’“Unité Togolaise’’. C’est lui qui, par son intelligence et sa valeur personnelle qui sont réelles, et par le poids que lui donne l’importance de sa maison, dirige en fait ce parti dans un sens anti-français. D’éducation anglaise, Sylvanus Olympio, qui ne nous avait pas beaucoup aimés, est devenu, depuis que le gouvernement local l’a maladroitement interné en novembre 1942, un de nos plus irréductibles ennemis.
« (…) Le personnage ne pourra être déboulonné que si l’UAC le remplace à la tête de sa maison : tous les indigènes qu’il tient à l’heure actuelle par des prêts usuriers ou par des avances de marchandises se retourneront contre lui, et la masse qui le craint, mais le déteste profondément, l’accablera. Je ne sais si d’une manière ou d’une autre, vous pouvez agir sur l’UAC, car, en définitive, seul Sylvanus Olympio est dangereux ; sans lui, l’“Unité Togolaise’’ serai facilement orientable et réductible. Car, je le répète, ce mouvement, réduit à lui-même, n’est guère dangereux pour la souveraineté française. S’il entretient çà et là une certaine agitation, sans durée d’ailleurs, à l’intérieur des cercles du Sud, et dont se plaignent les commandants de cercles, les dirigeants du Comité sont régulièrement les premiers à désavouer les mouvements qu’ils avaient suscités, dès qu’ils risquent de provoquer des sanctions. »
À lire, entre les lignes, ce rapport hautement confidentiel en son temps, il y a lieu de se demander si l’élimination physique de Sylvanus Epiphanio Olympio n’avait pas été envisagée avant, bien avant l’accession de notre pays à son indépendance…
Oui, aux yeux des esclavagistes de la secte des jacques Foccart, Sylvanus kwami Epiphanio était le « trop indépendant Olympio 3 » :
« Olympio voulait une vraie indépendance. En s’appuyant sur l’Allemagne, la Grande-Bretagne et plusieurs pays africains, il voulait desserrer le carcan franco-togolais. Il préparait, crime inexpiable, le lancement d’une monnaie qui lui aurait permis de sortir de la zone franc. Une monnaie qui, espérait-il, serait gagée sur le deutschmark 4 ! Il avait retardé l’inauguration du centre culturel français, de telle sorte qu’elle fut précédée par celle du Goethe Institut. Il ne reniait pas la vieille amitié envers Sékou Touré, l’homme à qui jamais l’on ne pardonnera d’avoir refusé la“Communauté’’, lors du référendum de 1958. 5 Il militait pour une union régionale africaine avec le Dahomey (futur Bénin) et… le Nigeria, ce géant régional devenu, nous le verrons, l’ennemi numéro un de la stratégie foccartienne 6. »
Et si notre homme n’avait pas été tué plus tôt, c’est vraisemblablement du fait que très tôt, il était devenu un personnage international qui imposait le respect.
On peut aussi mieux saisir pourquoi, d’emblée, Sylvanus Olympio ne posa pas la question de l’indépendance du Togo. On l’eut très vite « neutralisé » … d’une manière ou d’une autre. Voilà pourquoi, esprit fin, il préféra s’agripper, pour commencer, à la vieille revendication portant sur la réunification des Éwé. Revendication née en 1920, qui avait un énorme écho et beaucoup de sympathie dans le monde entier .
Mais, dans les années 1960-1963, les causes lointaines et profondes que nous venons d’évoquer allaient rencontrer la goutte d’eau qui allait faire déborder le vase.
Devrais-je rappeler que Sylvanus Olympio étais un ancien élève de la plus haute et prestigieuse école d’économie politique de son temps, à savoir la London School of Economics ? Toujours est-il qu’il tenait mordicus à garantir l’indépendance monétaire. Qu’on se souvienne de ce qui arriva le 11 janvier 1994 à toute l’Afrique Noire dite francophone ! Ce jour là, brutalement, le franc CFA fut dévalué de 50% !!! Une décision imposée aux chefs d’État concernés…
Alors, dès 1960, notre Président recherchait la formation d’un excédent budgétaire et la constitution de réserves en vue de la sortie de la zone franc.
Le 6 septembre 1962, Hospice Dominique Coco, ministre togolais des Finances et des Affaires économique, rencontre son homologue français Valéry Giscard d’Estaing, pour les négociations relatives à cette question. Selon le Dr Rudolph Trénou, les autorités françaises s’étaient opposées à la création d’une monnaie nationale togolaise. Et pour cause. Alors, le président Sylvanus Olympio s’adressa aux Allemands, aux Anglais et aux Américains. Ceux-ci accédèrent tous aux desiderata du gouvernement togolais. De surcroît, ils accordèrent des fonds destinés à favoriser la réalisation du projet de création d’une monnaie nationale togolaise.
Sur cette lancée, Sylvanus Olympio fait adopter la loi n° 62-20 du 12 décembre 1962, portant création d’une banque centrale du Togo et approuvant ses statuts.
Remarquons que cette création est opérée par une loi et non par décret. Pourquoi ? sans doute afin de revêtir l’affaire de toute l’importance qu’elle présente pour la nation togolaise, et aussi pour amener le monde extérieur à lui inférer toute la crédibilité qu’elle requiert…
En effet, dans son discours radiodiffusé en date du 26 Octobre 1962, le chef de l’État togolais déclarait haut et fort : « la participation du Togo au titre de son adhésion aux quatre organismes précités s’élève à 6,7 milliards de francs CFA. Nous en avons payé 330 millions en devises fortes. Le reste étant engagé sous forme d’obligations au gouvernement. Je suis heureux de vous annoncer que le Togo a acquis mieux que jamais un standing international par son adhésion à ces quatre organisations qui nous aideront non seulement à financer notre développement économique, mais aussi à soutenir la stabilité et la force de notre monnaie nationale, ce qui nous permettra d’augmenter notre propre contribution à notre développement. Déjà, nous concentrons nos efforts pour rationaliser l’allocation de nos ressources financières, dans le bus de dégager de plus en plus un budget d’équipement. La banque nationale d’émission viendra appuyer cette orientation en nous permettant de mieux soutenir les objectifs économiques nationaux. »
Certains de mes compatriotes prétendent que la monnaie en question était effectivement créée, que des billets portant l’effigie du père de la nation togolaise, se trouvaient dans des caisses et n’attendaient que le 27 Avril 1963 (jour anniversaire de l’indépendance) pour être mis en circulation. Le Dr Rudolph Trénou, que j’interrogeais à ce propos, infirma cette assertion. Cela se passa en juin 2000.
En tout état de cause, et avec les multiples recoupements possibles, les Togolais politiquement conscients sont aujourd’hui convaincus que le projet de création d’une monnaie nationale pour leur pays aura été la goutte d’eau qui aura décidé du sort du grand patriote africain Sylvanus Olympio.
À ce propos, peu importe de savoir si le doigt qui a tiré sur la gâchette, au lever du jour ce dramatique dimanche 13 janvier 1963, est « noir » ou « blanc »… l’essentiel étant, encore une fois, la réponse à l’interrogation :
À qui profite le crime ?
Dans cette veine d’idées, voici un morceau choisi de Jean de Menthon : « De plus en plus, les Français se méfiaient d’Olympio et souhaitaient s’en débarrasser.
Non parce qu’il était devenu un autocrate, ce qui n’avait rien d’originale, mais parce que qu’il était toujours considéré à Paris comme un anti-français. Ne négociait-il pas d’ailleurs pour quitter la zone franc ? Était-ce grave pour la France ? En soi, bien sûr que non, mais d’autres pays auraient pu suivre. Car, là ou Sékou Touré, peu habile financier et contraint à improviser, avait échoué, Olympio, gestionnaire qualifié et prévoyant, pouvait réussir peut-être en accrochant sa monnaie au mark.
« La France, dès lors, fut-elle complice ou même instigatrice du complot militaire du 13 janvier 1963 ? De l’instigation, il n’y a pas preuve. De la complicité si, car des Français servaient dans la gendarmerie et dans l’armée à des postes essentiels ; ils furent mis au courant et durent informer leur ambassadeur à Lomé. Le coopérant français qui s’est trouvé le plus impliqué dans l’affaire fut Georges Maitrier qui commandait la gendarmerie togolaise et était aussi chef du cabinet militaire du président. »
Oui ! La goutte d’eau qui aura fait déborder le vase aura été composé de trois éléments : primo, le projet de création d’une monnaie nationale Togolaise ; secundo, le projet de création d’une monnaie nationale togolaise ; tertio, le projet de création d’une monnaie nationale togolaise.
Oui ! On s’est servi de Togolais égarés pour tuer biologiquement un immortel fils du Togo.
Cet horrible meurtre, s’agissant de la personne physique qui AURA TIRE SUR LA GACHETTE (!!!), A ÉTÉ REVENDIQUÉ À HAUTE ET INTELLIGIBLE VOIX (!) CE 13 JANVIER 1963 par Gnassingbé Eyadéma !!!
Quant au reste, prière consulter mon livre sus-mentionné.