Bénin ; Kassa vs Mètongnon : Pourquoi  Talon Doit Vite Corriger le Tir ou Périr

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On croyait que l’homme allait démentir la légende d’accapareur léonin qui le précédait. On l’avait certes élu faute de mieux ou presque… Et maintenant que le vin est tiré, la potion en est amère. On s’en mord les doigts. Qu’ils soient grands ou petits électeurs, ceux qui ont pris de l’argent pour l’élire, comme c’est hélas la tradition sous le triste ciel du Renouveau Démocratique, en ont pour leur frais. Car, à en juger par leur sens et leur signe, les agissements impairs de Talon attristent, Révoltent et font peur.

La dualité éthique que dessinent ses agissements de rhinocéros est caricaturale et affligeante. Ainsi, pour Talon, les gens qui sous le rapport de la corruption sont bons s’appellent  Yayi, Koupaki, Kassa, Olivier Boko, Sacca Lafia. Les crimes commis par ces compères absouts, quand ils ne sont pas de sang,  coûtent pourtant chacun des milliards au denier public, et touchent  directement à la souffrance du peuple qu’ils aggravent. L’exemple le plus emblématique et par là-même le plus révoltant est celui de Kassa, impliqué dans l’Affaire PPEA et qui en sort miraculeusement exonéré.

Et puis de l’autre côté, il y a ceux qui, selon la table de la loi de Talon, sont les mauvais, les malfaiteurs et les criminels ; ceux dont les crimes plus ou moins avérés, plus ou moins douteux, méritent d’être réprimés ou sanctionnés par la prison. Ils ont nom : le peuple lui-même, à qui est reprochée l’occupation illégale de l’espace public, et qui fait l’objet d’une répression impitoyable, destructrice de ses maigres moyens de subsistance ; et puis, il y a Monsieur Léhady Soglo, l’ex-maire de Cotonou, détrôné de façon brutale, comme s’il y avait une urgence à l’effacer de la carte politique du pays pour des raisons inavouables transmuées en crimes administratifs et financiers ; enfin, le syndicaliste, homme du peuple, Laurent Mètongnon, accusé d’avoir reçu un pot de vin de 2.500.000 F – une broutille – et placé sous mandat de dépôt pour un mois.

Tout le monde sait que dans une démocratie et un système judiciaire autonome où les juges ne sont pas nommés, stipendiés et promus au prorata de leurs actes d’allégeance au pouvoir politique, dans une démocratie respectueuse des libertés où les juges ne sont pas transformés en chiens obéissants,  aucun citoyen n’écope d’un mandat de dépôt d’une durée d’un mois sur la base non étayée d’allégations de corruption portant sur moins de trois millions de francs là où l’aune des crimes financiers est le milliard. Tout au plus, si le juge a des raisons de douter de la coopération du suspect, au regard de la présomption de son innocence, exigera-t-il une caution libératoire conséquente. Sorti de ce schéma classique, nous tombons  dans le procès et l’acharnement politiques.

Ainsi, les bons pour Talon sont ceux qui, bien qu’étant impliqués dans des vols d’argent public chiffré en milliards, sont érigés en intouchables, et dont l’exemple le plus révoltant est l’ex-Ministre Kassa, assoiffeur du peuple au sens propre du terme. Et les mauvais sont ceux à qui sont reprochées des broutilles plus ou moins imaginaires, et qui sont cloués au pilori d’un règlement de compte furieusement politique, pour refus de se soumettre à l’ordre autocratique d’un système prédateur et léonin soucieux de persévérer dans son être.

Qui croira qu’entre Kassa et Métognon le plus mauvais est celui que nous désigne la justice aux ordres du pouvoir ? C’est en cela qu’aussi bien la méthode politique – furieuse et forcée – que l’orientation éthique anti-peuple et injuste de Talon est affligeante et inquiétante. La justice est, sans vergogne ni scrupule, instrumentalisée pour  éliminer les obstacles ou opposants politiques, et donne ce faisant dans la farce judiciaire politiquement assistée. Cette logique d’épuration politique est incompatible avec le pacte démocratique. La morale et la justice sont foulées aux pieds lorsqu’au mépris de la présomption d’innocence ou en dépit d’elle on exonère arbitrairement les uns et poursuit les autres sous des prétextes infondés ou imaginaires.

La consternation que suscite l’impunité sous Talon est à son comble ; non seulement par le deux-poids-deux-mesures qui l’instaure autoritairement mais par l’ordre de pondération inversé des crimes : ceux qui ont volé des milliards sont bénis, tandis que ceux à qui il est reproché des larcins sont lynchés.

Lorsque le peuple a le dos au mur, la peur et la tristesse sont mères de la révolte. Par ses agissements impairs et autocratiques, Talon veut-il pousser le peuple béninois à bout ? Les cas du Burkina Faso hier et du Zimbabwe aujourd’hui doivent servir d’exemple pour vite corriger le tir avant qu’il ne soit trop tard. Car à force de vouloir trop sanctuariser ses affaires et les faire prospérer au détriment de l’intérêt du pays, Talon risque de les perdre toutes et pour toujours.

Aminou Balogun

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