
On a vu Yayi Boni pendant toute sa décennie au pouvoir s’activer comme un diable pour favoriser les affaires des sociétés françaises, établies au Bénin. La plus importante d’entre elles est le groupe Bolloré, dont il n’est un secret pour personne qu’il participa au financement de la campagne victorieuse de Yayi en 2006, de même que son soutien politique via le copinage avec l’ex-président français, Sarkozy, à l’instar de l’ambassadeur de France de l’époque, contribua-t-il au maintien de Yayi Boni en 2011 par un holdup de triste mémoire. L’un des aspects les plus absurdes dans l’activisme pro-français de Yayi n’est pas le fait qu’il allât verser une larme à Paris pour une poignée de journalistes tués par des terroristes alors que des dizaines de ses frères Nigérians mouraient chaque semaine par la violence terroriste sans attirer sa compassion ; non la plus grande absurdité de son activisme pro-français c’est le fait d’avoir patronné le dessaisissement du Groupe Pétrolin du compatriote Dossou-Aworet dans la construction de la Dorsale qui relie par le chemin de Fer Cotonou à Niamey. Comment un chef d’État digne de ce nom peut-il arracher à un compatriote un contrat qu’il a mérité pour le remettre à une société d’un pays étranger ? Eh bien loin de s’en prendre à la bêtise et à l’apatridie avérées du seul Yayi Boni, il faut comprendre que la pression française, aussi scandaleuse soit-elle, a une histoire et des motifs. En exigeant et en obtenant du président béninois qu’il lui cède le projet de la Dorsale Cotonou Niamey, Bolloré ne faisait que marcher dans les pas de ses ancêtres, d’autres Français qui avant lui, du temps de la colonisation, et même avant, faisaient la pluie et le beau temps commerciaux dans notre pays. Ce sont ces mêmes intérêts que le proconsul Lionel Zinsou est venu protéger et assurer ; lui qui n’a pas craint de dire que la l’Afrique appartient à l’Europe, n’aurait aucun mal à traduire dans les faits, le fait que le Bénin appartient à la France, et cela, selon une histoire dont les Européens ont hélas plus conscience que nous. C’est cette histoire qui est brièvement évoquée ici dans cet extrait d’une étude de sociologie urbaine consacrée à la ville de Cotonou en 1952
L’implantation des maisons de commerce au Dahomey s’est faite de l’Ouest-vers l’Est. L’un dès premiers commerçants fut sans doute Victor Régis, un Marseillais qui s’installa à Ouidah pour faire la traite des palmistes. Il fut suivi par son parent Fabre, qui lui fit rapidement concurrence à Porto-Séguro et à Agoué (1848), puis à Grand-Popo et Ouidah, et aussi par d’autres commerçants comme Lasnier, Daumas et Lartigue,
Après 1890, Porto-Novo supplanta Ouidah et devint le grand centre commercial; mais l’ouverture du wharf de Cotonou attira le trafic et de nombreuses succursales ou factoreries s’installèrent dans ce nouveau port; dès 1885, Fabre avait sollicité l’accord de Glèlè pour s’établir; il fut suivi par Borelli de Régis aîné, par Mante, Layet de Gascaud, Armandon, par la John Holt, de Liverpool (1892), la Swansea, de Manchester (1895) et par deux maisons allemandes.
Ces sociétés travaillaient avec des compagnies de navigation françaises, comme les Chargeurs Réunis, compagnie la plus importante, Fraissinet, la « Navigation Mixte », ou bien avec des compagnies anglaises» comme la British and African Steam Navigation et l’African Steam Ship Navigation, ou bien enfin avec des allemandes, connue la Wormann de Hambourg.
Après 1900, de nouvelles maisons de commerce furent créées : la Compagnie Française de l’Afrigue Occidentale (C.F.A.O.), dont le siège principal resta à Porto-Novo jusqu’en 1936, la Société « Valla et Richard», qui étendit rapidement son action dans le Nord (Bohicon, Djougou), la maison Biblis qui, après s’être axée sur les débouchés industriels, s’orienta ensuite vers la traite des produits.
Pendant la guerre, deux nouvelles maisons s’établirent : la Société Commerciale et Industrielle de la Cote d’Afrique (C.I.C.A.), qui s’installa à Porto-Novo et à Cotonou, et la G.B. Ollivant ; puis, en 1925, la Société Commerciale de l’Ouest Africain (S.C.O.A.), qui prit une rapide extension dans le territoire (Athiémé, Bohicon, Djougou, Natitingou) ; enfin, de 1927 à 1935, l’Entreprise Transatlantique (ENTRA) et les maisons Rabe et Nègre.
1926 fut l’année où, tout le monde voulant faire fortune au Dahomey, Cotonou connut le plus grand nombre de sociétés. Il y avait, en plus de celles que nous venons de rencontrer, la Sofradaho, l’O.C.A, Leconte, La Compagnie Générale de l’Afrique Française, la Compagnie Générale des Comptoirs Africains, la Société du Haut-Ogoué, qui s’intéressait tout spécialement à l’égrenage du coton, et bien d’autres encore. Toutes ces maisons disparurent après la crise de 1931.
S’étaient installées aussi deux banques importantes : la Banque de l’Afrique Occidentale (B.A.O.), qui avait succédé à Porto-Novo à la Banque du Sénégal (1901) et la Banque Française Africaine (B.F.A.), qui disparut en 1929. La B.A.O. fut longtemps le seul organisme de crédit, la Banque Nationale pour le Commerce et l’Industrie (B.M.C.I) et la Banque Commerciale Africaine (B.C.A.) n’ayant ouvert leurs agences qu’en 1942 et le Crédit Lyonnais qu’en 1931.
En 1936, on trouvait déjà à Cotonou toutes les grandes maisons actuelles, sauf la C.IC.A, qui après une éclipse de quelques années réapparut en 1945. La fin de la seconde guerre marqua le début d’un nouvel essor commercial, déterminé par une action conjuguée de l’État et des sociétés métropolitaines décidées à mettre en valeur les territoires d’outre-mer. Des sociétés et des particuliers tentèrent leur chance : Agier, en 1945, la Société des Dépôts et Agence de Vente des Usines Métallurgiques (D.A.V.U.M.) en 1947, la Compagnie de l’Industrie Textile Cotonnière (CI.T.E.C,), installée en Afrique Noire des 1927, et Eychenne, vieille maison togolaise, venue au Dahomey en 1940. Enfin, deux, grosses sociétés de travaux publics, Hersent et la Société Coloniale d’Entreprises (S.O.C.O.L.E,), commencèrent des travaux routiers en 1950.
Depuis celle date, l’essor semble avoir pris fin et la situation économique permet difficilement d’envisager de nouvelles installations commerciales pour les années à venir.
in « Cotonou, Ville Africaine », Études dahoméennes N° 10 , Mercier, Paul. Éditeur, Porto-novo, 1953
Alan Basilegpo
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