Obatalá, un monde immaculé

Le souffle d’Obatalá traverse le monde comme une brume de paix.
Dans un temps où tout s’agite, il rappelle la lenteur, la clarté et la pureté des commencements.
Sa danse, vêtue de blanc, réconcilie l’homme avec la lumière qui l’a fait naître.


Avant le tumulte des hommes et la poussière des empires, il y eut le silence et la lumière.
Dans ce silence, une main divine façonna les formes de l’humanité, modelant la glaise et y insufflant le souffle d’Olódùmarè.
Cette main était celle d’Obatalá, le père des origines, l’artisan du monde visible, le gardien de la pureté.

Obatalá est le plus ancien des òrìṣà, le premier à descendre sur la Terre avec la mission d’y créer la vie.
Vêtu de blanc, il incarne la sagesse, la justice et la paix.
Son nom même évoque la clarté : il est la pureté de la pensée, la lumière intérieure qui équilibre le chaos des passions.
Là où d’autres divinités incarnent le feu, la guerre ou la foudre, lui représente la mesure, la patience et la raison.

Chez les Yorubas, le blanc n’est pas seulement une couleur.
C’est une qualité d’être : la transparence du cœur, la limpidité de l’esprit, l’accord entre l’homme et la création.
Le vêtement blanc d’Obatalá n’est pas ornement mais symbole d’une exigence : celle de rester pur malgré la confusion du monde.


La danse d’Obatalá

Quand les tambours s’élèvent, leur rythme ne cherche pas l’exaltation.
Il appelle le calme, la lenteur, la respiration du monde avant le premier mot.
La danse d’Obatalá est une prière en mouvement.

Les danseurs avancent vêtus de blanc, leurs gestes amples et mesurés tracent dans l’air les contours du cosmos.
Chaque pas semble naître du sol pour retourner à lui, rappelant la glaise originelle dont Obatalá façonna les premiers hommes.

Rien de brusque, rien d’éclatant.
C’est une danse de l’équilibre et de la gravité.
Les bras s’ouvrent pour accueillir la lumière, les têtes s’inclinent dans la paix.
Le corps devient alors temple et offrande, espace sacré où la matière retrouve son sens spirituel.

Ainsi, la danse d’Obatalá n’est pas spectacle, mais rite.
Elle enseigne le calme, la discipline, la clarté intérieure.
Elle rappelle que la création n’est pas le fruit de la violence, mais du soin, de la patience et de l’ordre.


Obatalá et le monde des hommes

Dans le monde d’aujourd’hui, où la vitesse et le bruit remplacent la sagesse, la figure d’Obatalá réapparaît comme un rappel essentiel.
Il est celui qui montre que la vraie force est dans la maîtrise, que la vraie lumière est dans la paix.
Il ne promet pas la gloire ni la domination, mais l’harmonie : celle qui permet à l’homme de se tenir debout sans écraser, d’agir sans troubler, de parler sans blesser.

La danse consacrée à Obatalá devient alors un acte de résistance intérieure.
Dans le tourbillon moderne, elle réintroduit le temps du souffle.
Elle relie le corps à l’esprit, la tradition à l’avenir.
Dans la puretér de ses gestes, c’est toute une sagesse africaine qui respire encore — celle d’un monde où le sacré se cache dans la simplicité, et où la lumière naît du silence.


Le retour à la pureté

Quand la musique s’éteint, que les danseurs s’immobilisent et que la poussière retombe, il reste quelque chose d’indéfinissable : une présence.
C’est la pureté d’Obatalá, sa paix suspendue au-dessus du vacarme des hommes.
Elle ne brille pas comme un feu, elle éclaire comme une aube.
Elle nous rappelle que créer, c’est ordonner ; que vivre, c’est se purifier ; et qu’être homme, enfin, c’est tenter de ressembler à celui qui, dans le silence premier, donna forme à la vie.

Adeniyi Bidemi

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