La Fonction du Démenti : du Bénin au reste du monde, un langage universel

Du Bénin au Moyen-Orient, de l’Afrique au reste du monde, les gouvernements excellent dans l’art du démenti officiel. Présenté comme une clarification, il devient souvent une stratégie pour brouiller la perception, retarder l’évidence ou maquiller une vérité dérangeante.

Au Bénin comme ailleurs, le démenti officiel est devenu une arme politique. On l’a vu récemment avec la polémique autour d’une supposée base militaire française installée sur le sol béninois. Face aux rumeurs persistantes, aussi bien le gouvernement français que le gouvernement béninois ont opposé des démentis catégoriques. L’état-major des armées françaises a assuré qu’« aucune base française n’existait au Bénin », tandis que Cotonou rejetait l’idée d’une présence militaire étrangère permanente. Pourtant, dans l’opinion publique, ces dénégations n’ont pas suffi à dissiper les soupçons, tant l’histoire coloniale et postcoloniale a laissé une mémoire de promesses démenties par les faits.

Cette situation illustre parfaitement la maxime anglo-saxonne : « Never believe anything until it is officially denied » — « Ne croyez jamais quelque chose tant qu’il n’a pas été officiellement démenti. » Car dans le champ politique comme dans la géopolitique, le démenti officiel n’a pas toujours pour fonction d’éclairer la vérité. Il sert souvent à brouiller les pistes, à gagner du temps ou à contrôler la perception de réalités dérangeantes.

En Afrique, ce mécanisme se répète sous d’autres formes. Dans le Sahel, les peuples cherchent à s’affranchir d’une tutelle occidentale qui a longtemps façonné leur destin. Les gouvernements de transition au Mali, au Burkina Faso ou au Niger sont accusés par les médias occidentaux d’être de simples « instruments » de puissances étrangères. Mais leurs démentis ne relèvent pas du cynisme des grandes capitales : ils traduisent plutôt une volonté de souveraineté, une tentative de reprendre la main sur leur histoire. Ici, le démenti ne vise pas à manipuler, mais à résister à une narration dominante qui voudrait les réduire à un rôle de figurants dans leur propre destin.

En Palestine, la communication officielle d’Israël montre au contraire la face la plus brutale du procédé. Les bombardements massifs sont présentés comme de simples « frappes ciblées », tandis que les accusations de crimes de guerre sont systématiquement rejetées. Pourtant, les enquêtes indépendantes de l’ONU et d’ONG internationales révèlent une réalité bien différente. Le démenti institutionnel sert ici à maintenir une façade diplomatique et à gagner du temps face à la contestation croissante de l’opinion mondiale.

En Ukraine, les capitales occidentales ont multiplié les démentis stratégiques : promesses que l’OTAN ne s’élargirait pas, discours rassurants sur une « désescalade » tout en multipliant les livraisons d’armes. Là encore, les mots officiels n’ont pas cherché à dire la vérité, mais à masquer une politique de confrontation et d’extension de l’influence militaire.

En Asie, le dossier Taïwan illustre la même ambiguïté. Pékin réaffirme publiquement son attachement au principe d’intégrité territoriale, tandis que les États-Unis affirment « défendre la démocratie » en multipliant les ventes d’armes et les provocations militaires. Chaque camp manie le démenti comme une arme de communication, destinée moins à informer qu’à influencer les perceptions et à justifier ses propres choix stratégiques.

Enfin, aux États-Unis eux-mêmes, les démentis institutionnels ont souvent été démasqués comme de véritables écrans de fumée. Avant les révélations d’Edward Snowden, Washington niait vigoureusement espionner ses alliés et collecter des données massives sur ses propres citoyens. Le scandale a révélé combien le démenti n’était pas une déclaration de transparence, mais la première couche d’un mensonge d’État.

De Cotonou à Washington, du Sahel à Gaza, le constat est le même : le démenti officiel ne dit pas la vérité. Il cherche à gagner du temps, à neutraliser les critiques et à protéger des intérêts stratégiques. Pour le citoyen, qu’il soit béninois ou européen, africain ou asiatique, apprendre à lire entre les lignes devient une nécessité. Car en politique comme en géopolitique, un démenti officiel n’est presque jamais une garantie de sincérité : il est bien plus souvent l’indice qu’une vérité dérangeante est en train d’être maquillée.

Alan Basilegpo

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