
L’antinégrisme — entendre par-là, le racisme anti-Noir — dont les Occidentaux ont le copyright, à défaut du monopole, ce triste penchant a des motivations multiples.
L’une de ses significations consiste à montrer qu’on fait acte de violence raciste –physique, sociale, et surtout symbolique –pour affirmer sa supériorité putative qui implique logiquement l’infériorité absolue du Noir dans l’ordre de ce qu’on considère à tort ou à raison comme les races humaines.
En matière d’antinégrisme, les Chinois qui, dans leur sournois réveil calqué sur le mimétisme des Blancs occidentaux – car force est de constater que tous les Blancs ne sont pas occidentaux – alors qu’en toute chose, ils sont d’un naturel réservé et discret, ont voulu ostentatoirement copier les Blancs ; et; en l’occurrence l’ostentation faisait partie de ce qui était expressément recherché – volonté de s’appuyer sur le Noir pour se tenir droit dans ses bottes de néo-race supérieure. Le syllogisme qui informe le racisme anti-noir du Blanc étant : « j’écrase le Noir donc je suis une race supérieure » a été mis en jeu; la Chine mimétique l’ayant fait sien en toute maîtrise, comme elle l’a fait de la technologie occidentale. Le parallélisme entre l’éthique et la technologie a été assumé avec un naturel étourdissant.
Ainsi, au plus fort du Covid, dont on les accusait d’être le foyer contaminateur, l’opinion mondiale a eu écho d’actions et de scènes racistes en Chine, de la part des Chinois envers les Noirs – aussi bien au niveau individuel, qu’au niveau d’instances étatiques ou publiques : les Noirs étaient indexés comme boucs-émissaires, brimés, victimes d’actes gratuitement vexatoires, et parfois attentatoires à leur sécurité et à leurs droits humains fondamentaux.
Le but de la manœuvre était visiblement de faire diversion au moment où tous les projecteurs du questionnement sur l’origine du Covid étaient braqués sur la Chine. Les Chinois avaient autorisé le libre cours de l’expression de ces actes savamment mis en jeu – au-delà de la haine ou de l’amour de l’autre dont ils n’ont pas le monopole – pour avoir l’air de ressembler aux Blancs, de faire comme eux en matière d’antinégrisme. De cette ressemblance pensaient-ils, pouvaient venir un mieux disant sur leur image de race supérieure ; car pour être comme le Blanc sinon mieux que lui, il faut non seulement avoir brillé dans ses vertus mais aussi dans ses vices.
Ce parti-pris vicieux leur paraissait d’autant moins risqué qu’en bons observateurs, ils ont bien remarqué que les Noirs, bien qu’ayant subi et continuant de subir les avanies du racisme des Blancs, ne leur sont pas moins dévoués et asservis — parlant leurs langues, pratiquant leurs religions au détriment de celles de leurs ancêtres et se laissant dicter leurs politiques nationales et internationales en fonction des intérêts occidentaux et au détriment de ceux de leurs peuples. Ce masochisme joyeux des Noirs a-t-il induit les Chinois en erreur ? En ce siècle où leur réveil économique les rendait dépendant des matières premières dont regorge l’Afrique, donner libre cours à un racisme agressif, ostentatoire et décomplexé envers les Noirs Africains était un coup de poker risqué de la part des Chinois. La vive réaction de l’opinion africaine — qu’elle soit de la diaspora ou du continent même – l’inhabituelle montée au créneau des gouvernements et surtout du corps diplomatique de grandes nations comme le Nigeria et l’Afrique du Sud leur ont vite fait comprendre qu’ils avaient poussé le bouchon un peu trop loin dans leur volonté d’imiter les Blancs.
A leurs dépens, les Chinois comprirent qu’ils avaient écorné leur image de peuples pacifiques et sympathiques qui, bien qu’ayant été puissants avant bien d’autres par le passé, n’avaient pas à leur actif le triste palmarès de barbarie et de crimes contre l’humanité qui collait à la peau historique des Occidentaux et des Arabes — tout au moins dans leurs rapports avec l’Afrique noire.
Et, au-delà de la dimension symbolique et morale, dans cette aventure, ils firent l’amère expérience qu’ils jouaient gros et que ce qui fut vrai — et hélas continuait d’être vrai avec les Occidentaux — ne l’était pas forcément pour eux. Soit que les conditions des rapports internationaux avaient changé, soit que les conditions mentales et historiques qui profitaient aux Blancs leur faisaient cruellement défaut.
Quoi qu’il en soit, peuple épris de sagesse, les Chinois battirent fermement en retraite sur ce terrain miné où ils s’étaient aventurés, fort marris d’avoir écorné leur image dans une affaire dont l’idiotie le disputait à la bêtise.
Depuis lors, moins raciste anti-Noir que les Chinois, tu meurs ! Les Chinois ont compris que les Affaires, eh bien c’est encore mieux qu’une affaire de racisme !
Adenifuja Bolaji
