Prisonniers Politiques sous Talon : le Dogme de la Parité Régionaliste

L’argument qui consiste à dire qu’il y a plus de prisonniers politiques du Nord que de prisonniers politiques du Sud, relève d’une pétition de principe, et participe de ce dogme de la parité nord-sud qui pèse sur l’esprit des acteurs nationaux au Bénin — politiques, décideurs, rois, têtes couronnées, etc… Nous savons très bien que depuis l’indépendance les gens de ce qu’on appelle le Nord au Bénin se sont montrés friands de la présidence, une manière de revanche sociologique et historique dans une redistribution des valeurs économiques et symboliques qui ne les favorise pas. S’accaparer de la présidence, lieu politique qui a la haute main sur le népotisme, est érigé en obsession par les Nordistes. Stratégies qu’ils réussissent à mettre en œuvre, au besoin et souvent en manipulant la naïveté républicaine des soi-disant Sudistes, majoritaires dans le pays et sans l’aval électoral desquels cet objectif est voué à l’échec. Aussi, après les 27 ans de Kérékou et les 10 ans d’un Yayi Boni qui a poussé la préférence régionaliste à un haut niveau délirant, on comprend que l’accession à la présidence du sudiste Talon ne peut que susciter la levée de bouclier d’une marée d’opposants du Nord. La Révolte des chasseurs de Savè, aussi légitime soit-elle du reste, prouve si besoin en est que non seulement le Nord était dans le désarroi présidentiel et politique, mais qu’il commençait plus au sud que le bon sens géographique pouvait le situer.

Alors dans ces conditions, même si le sud du Bénin est le sud le plus bête du monde, même si dopée par la haine de soi la naïveté identitaire des sudistes du Bénin est légendaire, il va de soi que le nombre de leurs opposants aveugles au régime de Talon reste inférieur au nombre des opposants du Nord, pour qui ne pas avoir la présidence est un casus belli. C’est le rapport entre ces deux nombres qu’il faut prendre en compte avant de dire qu’il il y a 69 opposants du Nord en souffrance d’être libérés, et de s’en émouvoir en termes régionalistes. Car même si dire que Talon est un dictateur n’a rien d’exagéré, il n’y a pas de raison que les Nordistes soient plus démocrates que les Sudistes. En effet, si pour 100 opposants du sud, il y a 1000 opposants du nord (en clair s’il y a 10 fois plus d’opposants du Nord que d’opposants du sud au régime de Talon ) — ce qui, au regard de ce qui vient d’être dit, n’a rien d’extravaguant– ce résidu n’est pas choquant en soi, dans la mesure où il est induit par un déséquilibre de la réaction politique dont les causes, historiques et sociologique, échappent à la responsabilité du régime de Talon ; dès lors, ce nombre et le déséquilibre apparent qu’il traduit, ne doivent pas faire l’objet d’une manipulation politique, pour le coup régionaliste…
Dans l’exemple considéré ci-dessus, sur 1000 opposants incarcérés, cela veut dire surtout que le régime Talon a libéré 100 opposants sudistes et 800 opposants nordistes : sans préjudice de tout ce qu’on peut lui reprocher par ailleurs, doit-on lui en tenir rigueur ? Doit-on l’accuser de régionalisme ? S’il reste une centaine de prisonniers à libérer on peut estimer que c’est une centaine de trop, mais de là à emboucher la trompète du régionalisme, il y a un pas qu’il ne faut pas franchir …

Audio : Bertin Koovi demande la grâce présidentielle aux prisonniers politiques du Nord

Arouna Badou

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