
Près de quarante ans après sa publication originale, l’ouvrage où Franco Moretti soulignait la centralité du roman de formation dans la modernité européenne est enfin disponible dans notre langue. Le critique en fait le modèle d’une littérature narrative où les tensions sociales sont pacifiées, mais conclut trop vite au vieillissement d’une forme longtemps inusable.
Étrange destin que celui de ce livre d’un Franco Moretti qui ne mettait pas encore la littérature en « atlas », « graphes », « cartes », « arbres
», bases de données et autres tableaux statistiques : écrit au seuil des années 1980, publié en italien en 1986, traduit en anglais dès 1987, il a fait l’objet d’une édition augmentée en 1999, aussitôt traduite dans la même langue, mais n’était jusqu’ici pas accessible en français (tout comme il ne l’est pas en allemand, alors que les études sur le Bildungsroman sont, on le sait, très présentes en terres germaniques).
Retour vers le futur
Aussi cet essai peut-il paraître quelque peu daté – en particulier dans les pages où l’auteur polémique, en quelques phrases assassines, avec les tenants (Barthes, Genette) d’une approche de la littérature trop formaliste à ses yeux –, comme il peut également paraître fort de perspectives qui ont été travaillées indépendamment de lui depuis sa parution. Dans le champ des études françaises, nombre de travaux récents ont ainsi porté sur la question du roman de formation, autour des œuvres ici étudiées (Le Rouge et le Noir de Stendhal ; Illusions perdues de Balzac ; L’Éducation sentimentale de Flaubert), tandis qu’ont, en outre, été données, dans des perspectives historiennes, plusieurs études importantes sur la jeunesse et l’adolescence. Sans doute est-il regrettable, de ce point de vue, que la présente traduction reprenne le texte de l’édition de 1999 sans y adjoindre la moindre note ni donner, par ailleurs, aucune bibliographie.
