
Le journaliste polémiste Pierre Berkoff qui sévit sur Sud Radio a encore cédé à un de ses démons révisionnistes sur l’histoire des rapports Blancs/Noirs, Occident/Afrique. Pour des raisons idéologiques et suivant en cela ses convictions droitières, il donne volontiers dans un populisme militant passionné qui sous les dehors rationnels essaie de défendre la nation – lorsque c’est la France – la race blanche – lorsque c’est l’Occident chrétien qui est concerné. Dans cette veine à la fois nationaliste et occidentalocentriste, il manie avec force passion la rhétorique de la néo-victimité de l’homme blanc, répand avec ardeur la nouvelle mode du retournement de l’accusation qui a sanctionné la réalité de l’esclavage et du racisme et par lequel, dans une logique de dénégation, l’occident en arrive à passer pour une victime de ses victimes historiques.
Cette néo-vctimité de substitution développe des idées qui voient dans l’immigration une nouvelle colonisation ( le grand remplacement), dans la priorité bien méritée donnée à toute critique des crimes occidentaux passés ou présents, une forme de harcèlement du Blanc (racisme anti-blanc).
La posture de néo-victimité joue aussi sur le registre lexical pour euphémiser les crimes du passé colonial ou esclavagiste de l’occident ou les banaliser par contagion. Ainsi en est-il du mot esclavage mis à toutes les sauces et qui permet d’aligner tous dans le même plan historique et moral l’esclavage transatlantique industriel dont les commandes de bois d’ébène s’évaluaient en tonne, la longue traînée millénaire de l’esclavage transsaharienne qui par siècle a drainé cent fois moins de victimes noires que sa cousine transatlantique ; et enfin, les rapports de production et de domination dont les diverses formes de servitude étaient une des composantes sociologiques et qui en Afrique, une fois baptisés esclavage, peuvent être placés au même niveau de barbarie et de responsabilité historiques que les violences exogènes du même nom.
Dans ce combat idéologique d’arrière garde, ce journaliste français d’origine libanaise, à la sensibilité nationaliste prononcée, évite astucieusement de porter le chapeau du racisme. Il prend souvent la précaution de montrer qu’il est de ceux qui ont des amis noirs ou arabes, et qui exhibent volontiers pour étayer leur propos rances des exemples de bons Noirs ou de bons Arabes. Ce qui lui permet de rentrer dans le lard de la grande majorité des autres qui, bien que vivant en France ou bénéficiant de sa générosité font profession de la détester, de ne pas la caresser dans le sens du poil en se permettant sans arrêt de lui rappeler ses crimes passés et présents. Plus d’une fois, il a déjà reçu tel ou tel spécimen de ces bons étrangers dont la voix sert de caution à sa bonne conscience nationaliste, son courage supposé de s’en prendre au politiquement correct. A condition que cela se fasse, comme de bien entendu, aux dépens des communautés non-sanctuarisées du système politico-médiatique français. A ce titre, il a déjà reçu sur son plateau, une jeune camerounaise dégotée sur les réseaux sociaux, qui est venue dire tout le bien qu’elle pense de la France, de sa langue et de sa culture, sur fond de tout le mal qu’elle pense de ses congénères camerounais et africains geignards, qui feraient mieux de rentrer chez eux au lieu de passer leur temps à critiquer la France. Peut-on trouver meilleur défenseur de la cause du racisme anti-blanc que la voix d’une femme noire éblouie de reconnaissance et astucieusement instrumentalisée pour la servir ? Ficelle de vieux journaliste.
De la même façon, un de ses invités qui se disait historien, et qui prenait des postures de faux savant, est venu, entre autres prises de position délirantes de négationnisme, venu dire que « les blancs sont les premiers et les seuls à abolir l’esclavage » ; comme si les Arabes qui continuèrent longtemps cette institution n’étaient pas des Blancs, ou comme si des tentatives d’abolition comme celle du roi Adandozan du Danhomè n’ont pas été violemment écrasées par les mêmes Blancs au moment où l’industrialisation qui allait motiver cette abolition n’avait pas encore fait des progrès suffisants ; comme si les Chinois qui étaient venus sur les Côtes des Africains bien avant les Européens et qui malgré leur supériorité technique n’avaient pas cru devoir les mettre en esclavage devraient être comptés parmi ceux qui n’avaient pas eu le bon sens d’abolir l’esclavage. En somme, ce soi-disant historien se félicite de ce que l’Occident fût le seul à abolir une institution – la traite industrielle des Noirs — qu’il fut le seul à pratiquer ! L’industrie tue l’industrie, c’est bien connu. Il n’y a rien d’étonnant que l’industrialisation ait fini par tuer la traite industrielle des Noirs. Qu’y a-t-il d’héroïque à revendiquer dans cette logique inéluctable ? A moins de dire que l’Occident est le seul à avoir inventé l’industrialisation. Sinon quelle est la validité de cet énoncé comparatif qui confère une spécificité éthique aux Blancs, autrement que spéculative ?
Quoi qu’il en soit, notre journaliste, dans sa passion « réhabilitationniste» ne désarme pas. Il vient de faire dire à un de ses invités une de ces affirmations aussi gratuites que spécieuses dont il a le secret de la mise en scène médiatique. L’invité n’était tout autre que l’écrivain Pascal Bruchner, un de ces obsédés de la réhabilitation nationale et ethnique des Blancs qui, tel un blanchisseur magique, s’évertuent à blanchir le Blanc sali par son histoire. L’un des discours portés par son dernier livre qui lui vaut d’être invité : « Un coupable presque parfait, la construction des boucs émissaires blancs », publié aux éditions Grasset est que l’Occident est le seul à avoir réfléchi sur ses crimes. Affirmation concave et circulaire : quelles autres civilisations ont commis des crimes aussi monstrueux que ceux commis par les Blancs dans ce beau monde ? Combien de civilisations ont pratiqué l’esclavage industriel ? Combien de civilisations ont éliminé toute une race de tout un continent ?
Cette affirmation tautologique d’une idiotie pathétique n’est pas sans rappeler celle de l’historien Lugan.
Dans le cas de ce Bruchner, membre de l’académie Goncourt, la mise en scène du même discours a été savamment menée ; avec astuce, elle a joué du mélange des genres, de l’amalgame et de quelques poncifs pathétiques. Au titre des poncifs, on a eu droit de savoir que Pascal Bruchner a un ami noir américain qui a décidé de venir vivre en France, pays qui ne serait ni raciste ni antinégrite où c’est l’individu qui prime, et où celui-ci n’est pas déduit de son origine raciale ni marqué à vie par la couleur de sa peau, etc. De quoi faire rire les millions de Noirs qui, cloués au pilori du racisme quotidien en France, voient d’un bon œil les belles occasions d’immigration en Amérique, un pays où contrairement à l’Europe, le racisme anti-noir, l’antinégrisme, a le mérite de la clarté sur fond de ses traitements politiquement corrects, qui font la part belle à la discrimination positive et aux quotas communautaires pour ne pas avoir à cacher leur objet, sous le tapis fleuri de l’individualisme et de l’égalité à sens unique en vigueur en France. Pascal Bruchner et son hôte ne diront pas aussi que le colonialisme que la France continue de pratiquer en Afrique noire dont elle pille implacablement les ressources découle du racisme, puisqu’on ne sait pas pourquoi, par exemple, elle a plus tendance à jeter son pétrole sur le pétrole du Gabon ou du Congo plutôt que sur celui, pourtant plus proche, de la Norvège.. Et lorsque Bruchner dit, sur le ton implicite de l’ironie, que le colonialisme n’a jamais été aussi forte que lorsqu’il a été supprimé, a-t-il pris soin d’aller demander aux Africains francophones, en quelle année et quel jour et à quelle heure ce colonialisme est censé avoir été aboli ?
En plus d’avoir des amis noirs américains, nous apprenons aussi que Bruchner a débattu de façon courtoise avec Lillian Thuran et peut critiquer de façon très intellectuelle Madame Taubira. Tout cela a l’air de lui conférer une crédibilité méthodologique pour mieux affirmer ses inepties et ses contrevérités idéologiques. L’une de celles-ci s’administre par le discours comparatiste sur les traites négrières qui est l’un des poncifs des «réhabilitationnistes» ethnocentristes occidentaux, ces blanchisseurs idéologiques aux abois. Après avoir généreusement baptisé du nom d’esclavage, les divers rapports de captivité qui ont marqué la sociologie politique et économique en Afrique, à l’instar de son conjuré Lugan évoqué plus haut, Bruchner se demande pourquoi on laisse dans l’ombre tous les autres esclavages qui ont eu pour théâtre l’Afrique et pour matière le Noir africain – à savoir ce qu’il appelle en chœur avec son hôte l’esclavage intrafricain et la traite transsaharienne. Comme si on pouvait qualifier de traite ce qu’ils appellent l’esclavage intraafricain, et que si l’esclavage transsaharien était une traite, elle était adossée à un génocide comme celui qui a eu lieu dans les Amériques avec la traite transatlantique ! Donc d’une certaine manière, ces questions absurdes et circulaires, qui sont construites sur des consensus frauduleux, contiennent en elles-mêmes leur réponse sur le mode dénégatoire…
Mais là où le mélange des genres s’introduit dans le raisonnement de manière insidieuse quoique scandaleuse, c’est lorsque sous prétexte de critiquer la théorie tripartite genre/race/identité, soi-disant venue d’Amérique, on récuse la responsabilité des crimes coloniaux ou de l’antinégrisme ( racisme anti-noir) des Occidentaux — que ce soit en Afrique, en Amérique ou en Occident – au nom de la diabolisation du mâle blanc caricaturé par les ultra-féministes comme l’archétype du violeur. Il s’agit-là d’un exploit rhétorique gros comme le nez au milieu de la figure. En effet, selon la logique d’inférence sur laquelle est construite l’affirmation, elle sous-entend la mise en œuvre d’un modus tollens pour le moins frauduleux : à savoir démontrer le ridicule de la diabolisation du mâle blanc comme archétype du violeur puis de là en inférer la fausseté des crimes et des accusations qui pèsent sur l’Occident confondu ici avec le mâle blanc
Lorsque Pascal Bruchner considère que le Blanc devient bouc-émissaire, évidemment il donne dans la facilité et le jeu superficiel sur les mots. Un bouc émissaire est un individu, un groupe, une organisation, etc., choisi pour endosser une responsabilité ou expier une faute pour laquelle il est, totalement ou partiellement, innocent.
Or les grands crimes en question sont principalement ceux :
- Du génocide des Indiens d’Amérique
- De la traite négrière
- Du colonialisme.
Sur ces trois chapitre de crimes, quels autres civilisations ou mondes égalent l’Occident ?
Il y a eu des colonisations, mais quelle civilisation a imposé sa langue et sa religion à d’autres ? Quelle civilisation continue de saigner l’Afrique aujourd’hui encore plus qu’hier ? Quelle civilisation a éliminé toute une race humaine de la surface de la terre, alors que ses hôtes étaient bien disposés à partager l’espace vitale avec elle ?
Et l’esclavage, parlons-en. Suffit-il de baptiser du nom d’esclavage tous les rapports de servitude qui ont existé un peu partout dans l’espace et le temps humain pour se lancer dans des comparaisons tendancieuses ? Entre la traite transatlantique qui put faire 9,9 millions de victimes en un siècle et la traite transatlantique qui faisait en moyenne un million de victimes par siècle, toute comparaison ne doit pas se prendre pour raison ; elle est d’une part celle d’une traite industrielle inhumaine qui a réifié l’homme noir en menaçant l’Afrique de mort, et une traite cruelle mais artisanale qui a saigné le continent sur la durée sans le menacer de mort.
Donc les faits historiques sont là réels, concrets, et indéniables. Et accuser l’Occident n’est pas une vue de l’esprit. Il faut que les intellectuels occidentaux arrêtent d’enfumer leur opinion et la conscience en général sur ces réalités. Il faut qu’ils arrêtent de donner dans la confusion, le mélange des genres et la néo-victimité de substitution. Les idées de Blanc bouc-émissaire, ou de racisme anti-blanc ne sont que de la diversion dénégatoire. Il ne sert à rien de fabriquer des consensus frauduleux pour draper l’Occident dans la blanche tunique de l’innocence miraculeuse. Au contraire, en attendant de réparer ses crimes du passé, l’Occident doit se refréner de commettre ceux du présent, et ceux de l’avenir qu’il programme déjà, (exemple the great reset) comme toujours avec paternalisme et une bonne conscience aveugle.
Adenifuja Bolaji
