Le Noir sans le Blanc, ou Éloge de l’Autoréférence

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Sur l’image ci-dessus, un jeune homme de 20 ans entièrement peint en blanc est forcé à marcher dans la rue en guise de punition pour vol d’un téléphone portable dans son voisinage. La scène se passait le mardi 10 Novembre dernier au village Makuleke, Limpopo, en Afrique du Sud.
Ce qui montre que la sémiologie et l’axiologie des couleurs sont fort différentes d’une culture à l’autre. Fait d’autant plus significatif que nous nous trouvons dans un pays, l’Afrique du Sud, qui a longtemps souffert des affres de la suprématie raciste des Blancs, jusqu’à la geste triomphante de Mandela qui en desserra l’étau, sans toutefois la faire disparaître de but en blanc…
En Afrique de l ’Ouest dans les cultures yoruba, fon, goun, Aaa, et assimilés, les sacrifices de coqs ou de moutons blancs font partie des rituels les plus communs — qu’il soient propitiatoires ou transactionnels de délivrance contre la maladie, la mort ou les mauvais sorts.
De fait, personne n’affecte à sa propre couleur une représentation ou une charge négative. En revanche on est prompt à le faire lorsqu’il s’agit des autres, et plus particulièrement de la couleur élue ou considérée comme son contraire. Ainsi en occident, on broie facilement du noir quand on est mélancolique ou de mauvaise humeur ; on a de noires idées quand on rumine des projets ou des actions peu recommandables ; la noire figure de la mort est à éviter ; le mouton noir est à mettre à part, les mains noires sont des mains sales. Pour les Occidentaux Dieu n’aurait jamais songé à mettre la grâce et la sérénité du cygne que dans sa couleur blanche, jusqu’au moment où le cygne noir apparut au large, un beau soir d’aventure. Le noir connote ce qui est triste, morne, mélancolique, irrité, hostile, lugubre ou bien funeste.  Il qualifie aussi les crimes, les mauvaises actions et les personnes qui les commettent ; ce qui est néfaste, diabolique. On parle facilement de noire trahison, de malice noire, de noire ingratitude ou de noire calomnie.
Ce sont ces réalités sémantiques, culturelles et idéologiques, entre autres choses, qui avaient conduit les Aimé Césaire et Léopold Sedar Senghor, au plus fort de la lutte pour l’émancipation des Noirs dans les années d’après-guerre, à forger le concept de négritude comme affirmation des valeurs et de la dignité du Noir considéré comme autoréférence.

Tout le problème réside dans la confusion introduite par l’histoire de l’imposition de la langue et de l’imaginaire du Blanc au Noir. L’errance ou l’aliénation symbolique du Noir le met en porte à faux en créant une distorsion de l’imaginaire. Mais lorsque le Noir agit dans un contexte autoréférentiel, comme dans la scène de stigmatisation du voleur de portable, il est dans la cohérence de son autonomie, de son être propre et libre.
La libération symbolique apparaît alors comme un impératif catégorique, à ne pas prendre à la légère.

cossi-bio-osse3_thumb.jpgProf. Cossi Bio Ossè

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