Tourisme Médical : Le Mauvais Exemple des Hommes Politiques Africains

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aka1_thumb.pngL’émir du Borgou au Nigeria, Dantoro Kitoro, vient de mourir en Allemagne ; naguère l’Ooni d’Ile Ife, Okunade Sijuwade, décéda dans un hôpital de Londres. Feu le Président Yar’adua a fait le tour de maints hôpitaux du Moyen orient avant de retourner moribond au Nigeria, où il mourut dans la confusion et le secret. On se souvient que la femme d’Obasanjo, Stella mourut pour ainsi dire bêtement en Espagne à la suite des complications d’une banale opération de chirurgie esthétique.
Derrière ces cas publics plus ou moins malheureux, il y a bien sûr des cas plus bénins ou plus heureux de guérison. Lorsqu’il était au pouvoir, on ne compte pas le nombre de fois que Jonathan ou sa femme allait se faire soigner dans des cliniques allemandes. Très récemment, l’ex-gouverneur d’Akwa Ibom et chef de fil de la minorité PDP au Sénat, Monsieur Akpabio est allé se faire soigner d’une foulure dans un hôpital de Londres ! Et pourtant, ce même Akpabio se targuait d’avoir construit un hôpital de classe internationale à Uyo, la Capitale de son État.
Et il y a tous les cas de ces hommes politiques ou nantis de tout bord qui pour un bobo ou des maladies plus sérieuses vont se faire soigner à l’étranger : en Europe ou en Inde. L’Inde assumant avec conscience le rôle de plateforme low cost du tourisme médical dont raffolent les Nigérians.
Navrante situation, qui traduit le manque d’autonomie généralisé dans la mentalité et l’être au monde des Africains. Outre l’idée qu’on attribue un pouvoir thérapeutique incomparable et un savoir-faire supérieur aux services de soin étrangers, c’est-à-dire essentiellement occidentaux, le tourisme médical est un révélateur du complexe d’infériorité du Noir vis-à-vis des Blancs, et de son abdication de l’identité d’homo faber. Il s’agit d’un déplacement sur le terrain médical du refus du Noir de produire par soi et pour soi. Tout ce qui est produit n’a de valeur que venue d’ailleurs, et plus précisément de chez les Blancs ou assimilés. Cette mentalité conduit au refus de consommer local, le local étant frappé de la malédiction du mépris de soi. En nous méprisant, et en méprisant ce que nous sommes, nous méprisons aussi nos œuvres et nos productions. Ainsi frappées du sceau de notre mépris, dans un monde compétitif qui ne demande qu’à nous fourguer ses produits, nos œuvres et productions qui avaient besoin de notre soutien pour prendre leur tardif envol, périclitent, et deviennent mort-nés. Leur effondrement signe leur disqualification, et nous renforce de façon vicieusement circulaire dans notre mépris en légitimant notre recours sans pudeur aux œuvres et productions des autres. Et ce recours souvent nous le faisons au motif de notre humanité. C’est d’ailleurs cette lâcheté qui est au principe de l’attachement passionné de l’Africain à l’idéal de l’humanité, tel que proclamé et mis en scène par l’Occident. En effet, avoir accès aux services, œuvres et productions d’autres hommes ne peut être possible que si l’on est homme soi-même.
Le cas de la ruée vers les services de santé étrangers — occidentaux — est d’autant plus paradoxal dans les cas de pays comme le Nigeria ou le Bénin dont les ressortissants constituent un contingent relativement élevé parmi les médecins qualifiés à l’étranger, notamment aux États-Unis ou en France. Au Bénin par exemple, le concept socio-administratif d’évacuation sanitaire est un indicateur et le nec plus ultra de la valeur sociale de ses bénéficiaires.
Bien sûr le slogan « consommer local » ne sera pas un mot creux que si et seulement si nous produisions, et proposions des produits de qualité. Dans le monde très complexe actuel, il ne s’agit certes pas de tout produire ou de produire des choses que d’autres produisent mieux que nous à moindre coût. Mais il est des domaines de production pour lesquels compter sur les autres relève de l’impudeur et d’une paresse notoire. Un homme en bonne santé et en pleine possession de ses moyens ne peut pas demander à un autre homme de lui torcher le cul. Le renoncement inconscient à notre identité d’homo faber est une stupidité suicidaire.
Il est affligeant que dans le domaine de la consommation des services médicaux, nos hommes politiques qui devraient créer les infrastructures adéquates sont ceux-là qui, après en avoir dilapidé ou détourné les financements, donnent le mauvais exemple en allant se faire soigner à l’étranger. De ce point de vue, et à titre de contrexemple rare sur le continent, il est heureux de rappeler que Mandela mourut en Afrique du Sud, dans un hôpital sud-africain, entouré de médecins sud-africains et des soins de sa famille. S’il en a été ainsi, c’est sans doute en raison de la sagesse de Mandela, mais aussi parce que l’Afrique du Sud n’a rien à envier à l’Occident quant à la qualité de ses services de santé.

Prof Aklasatɔ Zéphyrin

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